Accueillir les traumas des jeunes migrants
Dans la touffeur du mois d’août finissant, une trentaine de personnes ont rejoint la soirée organisée par l’association Action parrainages. Toutes et tous ont des questions ou des expériences à partager avec Saskia von Overbeck Ottino, psychiatre, membre actif du MASM (Médecin actions santé migrants). Car ces adultes, seuls ou en couple, actifs ou retraités, accompagnent tous des adolescents arrivés d’Afghanistan, d’Erythrée, de Somalie ou de Guinée. Des jeunes en train de s’intégrer qui commencent une formation, apprennent le français… En lien avec des familles suisses, grâce à Action parrainages, ils peuvent, dans ce cadre informel, trouver de l’aide, apprivoiser la culture locale. Mais parfois, la rencontre n’est pas totalement évidente. Il y a les différences culturelles, bien sûr, mais elles se surmontent vite par le dialogue, la bienveillance, l’ouverture.
Facteurs de risques accrus
Le vrai souci, chez ces ados, ce sont les potentiels traumatismes psychiques. Comme l’explique Saskia von Overbeck Ottino, les migrants cumulent les risques, en matière de santé mentale. Dans leur foyer, ils ont pu connaître l’incertitude, la précarité, la guerre, les assassinats, des pertes, des maltraitances: «Certains n’ont tout simplement jamais connu d’environnement stable.» Le parcours migratoire lui-même est souvent une expérience très négative. S’y ajoute, «et c’est encore largement sous-estimé», le contexte d’intégration, source de stress. «L’aide psychologique réside pour les trois quarts dans l’entourage et l’environnement. Les adolescents, qui vivent par définition un moment de vulnérabilité, ont besoin d’un monde stable, de parents solides», explique la spécialiste. Ce qui manque cruellement aux jeunes migrants. Hébergés dans des foyers, aux côtés d’arrivants qui ne deviennent pas toujours leurs amis, sans référent familial, ils ont besoin d’une attention accrue. «50 à 80 % de personnes issues de pays en guerre sont sujettes à des troubles anxieux, ou dus au stress post-traumatique», rappelle la spécialiste.
Distinguer et écouter
Des phases de rumination mentale, une attitude d’hypervigilance et d’hyperréactivité peuvent donc être courantes. Mais comment discerner une vraie souffrance psychologique d’un simple questionnement personnel? Saskia von Overbeck Ottino pointe certains signaux: «difficultés relationnelles, trouble du comportement, retrait, désinvestissement, absentéisme scolaire… Ou encore tristesse, angoisse, flash-back, troubles du sommeil, cauchemars»… Le souci, c’est quand ces manifestations «durent, se répètent ou desservent le jeune». Refuser de se rendre à l’école «plusieurs jours de suite» est ainsi souvent «un des premiers signes d’un mal-être important». Face à des familles parfois démunies, la spécialiste rappelle que «l’essentiel, c’est d’écouter et d’accueillir le vécu lorsqu’il survient», même par bribes et sur un temps long. «Si un jeune a la capacité d’exprimer ses difficultés, c’est qu’il en a conscience, c’est un bon début.» Des spécialistes entourent ces jeunes et peuvent être sollicités. Le rôle des parrains et marraines, «c’est de soutenir et d’encourager la force de vie qui se déploie chez ces jeunes, les encourager dans ce qu’ils réussissent, souligner les progrès accomplis. Et les recevoir comme on le ferait avec des amis». Car, comme le rappelle Antoinette Steiner, répondante d’Action parrainages, «c’est quand ils arrivent ici que ces ados commencent à exister pour eux-mêmes. Tout au long de leur parcours, il leur a fallu se cacher pour survivre». Un travail de relégitimation long et profond.
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