Un sociologue pour vanter la foi
Dans un paysage médiatique où, pour l’Eglise, les raisons de se réjouir sont rares, une petite lueur est apparue. Le sociologue allemand Hartmut Rosa dont la pensée fait école depuis une dizaine d’années est un observateur avisé des sociétés occidentales contemporaines. Ses ouvrages sont maintenant traduits en français et l’une des dernières parutions reprend le texte d’une conférence tenue en 2022 : « Pourquoi la démocratie a besoin de la religion ? ».
Hartmut Rosa part d’un constat : la société occidentale se trouve dans une situation d’« immobilité fulgurante », un oxymore pour dire qu’elle est à la fois frappée de frénésie et à l’arrêt. La frénésie, l’impératif d’une croissance à tout va, pas seulement économique, épuise et décourage et, pire, ne porte pas de fruits. La société ne croît plus, dépensant de plus en plus d’énergie uniquement pour maintenir le statu quo.
Rosa cherche une autre voie. Il ne renie pas la croissance en tant que telle, il la rejette si elle devient une contrainte. Cette accélération malgré nous porte à des tensions dans toutes les relations et les rapports humains sont marqués par une agressivité grandissante. L’exaspération envers autrui désagrège les relations sociales et politiques. La société est divisée, prête à en découdre, pas seulement sur les réseaux sociaux. Les opinions pullulent, les informations manquent de fiabilité, le non savoir s’installe. Bref, la société actuelle n’a plus confiance et n’espère plus en un avenir meilleur.
Hartmut Rosa pense que la religion - et le christianisme en particulier - est porteuse non pas tant d’un message mais d’une attitude, d’une posture humaine capable de faire brèche dans cet inquiétant tableau. En effet, le christianisme part d’une écoute, de la réponse à un appel, d’un cœur qui s’ouvre à l’altérité. Et cette posture d’ouverture crée une faille : la nouveauté, l’inattendu, l’inédit peuvent s’y engouffrer, la transformation est possible. Rosa parle d’une « relation de résonance » : l’être humain se rend disponible à cet inattendu qui peut à tout moment renverser la vapeur, surprendre et transformer son action. Pour le dire en une phrase : les croyant·es détiennent la clé pour se rendre disponibles à ce que Rosa nomme « l’indisponible ». Ce que nous ne pouvons pas maîtriser ou prévoir, ce qui advient mystérieusement et redonne espoir, ne serait-ce pas justement ce que les croyant·es appellent Dieu ?