Religions entre guerre et paix
La nouvelle vous aura peut-être échappé : lundi dernier, le premier ministre indien Narendra Modi a inauguré un temple dédié au dieu Rama, sur le lieu même où en 1992 des nationalistes hindous ont détruit une mosquée. Je me souviens bien des émeutes qui avaient suivi ce saccage. Je vivais alors à Calcutta. Pendant plusieurs jours, des violences intercommunautaires ont fait rage, faisant plus de 2000 morts. J’en ai retenu cette leçon : la religion, quelle qu’elle soit, peut être non seulement un facteur de paix, mais aussi une source de violence.
Le phénomène n’est pas nouveau et ne se limite pas à l’Inde. On pensera notamment aux tensions persistantes dans les Balkans, au Myanmar, au Sri Lanka, au Timor oriental et bien sûr au conflit israélo-palestinien. Partout la religion joue un rôle d’incitation, de division ou de justification de violences.
Face à ce constat, le discours dominant consiste à réaffirmer le caractère essentiellement pacifiste et tolérant de toute religion, tout en déplorant que des forces extérieures, politiques et idéologiques, soient capables d’instrumentaliser les croyances à des fins belliqueuses.
Mais la réalité n’est-elle pas plus ambiguë que cela ? N’existe-t-il pas au sein même des religions une tentation à absolutiser et à sacraliser des principes, des héritages, des lieux et des symboles ? Souvent par peur de perdre ses repères, il arrive que le caractère humain et relatif des héritages religieux soit nié, pour en faire des réalités inaltérables et non négociables, créant ainsi un terrain propice à l'intolérance. Jésus lui-même en a été victime, lui qui dénonçait l’absolutisme religieux : « Le sabbat a été fait pour l'homme, et non pas l'homme pour le sabbat ».
Aujourd’hui encore, il est important de reconnaître la dimension ambivalente de toute religion. Cela permettra de mieux assumer notre responsabilité, en tant que croyant·es, pour faire de notre tradition et de notre foi un instrument de paix et non de guerre.