Ciao-ciao, Tchüss, Salut, Allegra!
Depuis quelques semaines le film «Ciao-ciao Bourbine » ou « Bon schuur Ticino », selon la région de diffusion en Suisse, vise dans le mille, comme la flèche de Guillaume Tell. Dans ce scénario improbable, c’est suite à une initiative populaire, que le français est plébiscité comme unique langue nationale, en vue de mieux fédérer notre pays et diminuer les frais administratifs !
L’intrigue joue alors fort sur les clichés qui nous arrachent des larmes, car comment ne pas penser tout au fond de soi qu’il y a une part de vérité quand les autres sont vus avec des traits de caractères bien marqués : râleurs, coincés, ennuyeux, festifs, libérés et autres « combinazione » dans un joyeux « pétchi ».
Äuä ! Pourtant l’on vibre tout autant sous les châtaigniers du Tessin, au col du Saint-Gothard, sur la Place fédérale, dans un vieux train aux banquettes vertes ou rouges, comme si cette Suisse métissée aux multiples visages était à chaque fois la nôtre, et pourtant jamais totalement intégrée à notre identité.
Lorsque Jésus traverse la frontière de son pays et se retrouve face à une femme syro-phénicienne qui lui demande son secours pour sa fille malade, il n’échappe pas au délit de cliché, voire de racisme : « Il n’est pas bon de prendre le pain des enfants et de le jeter aux chiens », lui cingle-t-elle. La réplique-culte de la femme qui fera fondre toute résistante et conduire à l’admiration, puis à la guérison est restée célèbre : « Pourtant, Maître , même les chiens, sous la table, mangent les miettes que les enfants laissent tomber » (Marc 7, 24-30).
La tentation de mettre des « Röstis » partout n’est jamais loin. Et le cliché devient insulte, mépris, caricature… Si la Suisse ne sera jamais une tour de Babel avec une langue unique, c’est peut-être parce que nous avons la chance de pouvoir y tendre l’oreille à de multiples sonorités, parfois familières, amusantes, séduisantes comme un verre de merlot au soleil, mais aussi déroutantes, rebutantes, agaçantes… Avouons-le. Und was ? È alora ? Le multilinguisme est pour moi à l’image d’une foi personnelle, qui s’étonne souvent que la vraie humanité est aussi juste de l’autre côté de mes « frontières ». Et que les autres me révèlent alors qui je suis vraiment. A bon entendeur, tchin-tchin, salute ! B’hüet di Gott !