Quand le Ressuscité devient ressuscitant
La Bible est saturée de récits de miracles. Pourtant, les auteurs n’insistent pas sur la magie en elle-même. «Dans le texte grec, ‹miracle› se dit ‹signe›. Ce n’est pas tant la matérialité de l’événement qui compte, mais sa signification pour notre réalité», explique le pasteur Marc Pernot. Et ce, qu’il s’agisse de récits mettant en scène des mystères physiques (Jésus marchant sur l’eau) ou biologiques (guérisons extraordinaires).
L’un des principes de lecture, côté réformé, consiste à comprendre le miracle comme un moment où une situation humaine, existentielle, se transforme et souvent se dénoue. Ainsi, dans le récit de la multiplication des pains, «le phénomène en soi – nourrir une foule d’un seul coup – n’a aucun sens d’un point de vue strictement physique: ce n’est pas faisable. En revanche, sur le plan éthique, qu’un personnage partage sa nourriture et que son attitude fasse tache d’huile, offre une leçon: le choix de la fraternité est contagieux. Mais c’est aussi une allégorie: si je partage une sagesse spirituelle, elle se démultiplie, elle ‹augmente›, sans priver quiconque»!
Puissance agissante
Qu’il s’agisse d’une femme touchant les franges du manteau de Jésus, d’un paralytique retrouvant l’usage de ses jambes, les miracles bibliques reposent souvent sur la foi d’un personnage. En cela, ils viennent rappeler au lecteur que l’Evangile «n’est pas qu’un enseignement moral, une leçon spirituelle ou éthique. Ces dimensions ne suffisent pas pour s’en sortir dans l’existence. C’est aussi une puissance agissante – celle de Dieu, de l’amour –, qui dépasse nos forces humaines, qui nous est donnée». Et que des personnages acceptent de recevoir, pour vivre une transformation.
Parfois, les significations sont transparentes. Ainsi, retrouver la vue, c’est s’ouvrir à une nouvelle compréhension de la spiritualité. Les textes bibliques eux-mêmes apportent des clés d’interprétation en ce sens. «Dans Jean 9, le récit d’une guérison de la vue par Jésus est suivi par une comparaison entre fondamentalisme religieux et cécité, toujours évidente pour les lecteur·rices aujourd’hui.» A d’autres moments, le sens du miracle se révèle moins évident. «Dans Matthieu 9, la femme qui ‹touche le manteau de Jésus› s’accroche en réalité à son châle de prière. A l’époque, ces objets étaient tressés de bleu et de blanc, symbolisant le ciel et notre monde entremêlés. Le texte invite donc à intégrer, par la prière, l’action de Dieu dans notre vie! La jeune fille, dans ce texte, connaît un écoulement de sang constant. On peut en faire une lecture féministe. Mais dans ce contexte, le sang, c’est aussi la vie: il y a donc l’idée d’une existence qui fuit comme le temps, et dans laquelle la parole de Dieu offre une ressource plus forte que la finitude et la mort.»
A qui s’identifier?
Enfin, selon Marc Pernot, une des pistes pour comprendre un récit de miracle, c’est aussi de réfléchir à qui l’on s’identifie. Lorsque Jésus réanime Lazare, il nous est possible de nous voir comme Lazare… ou comme le Messie, capable de rejoindre une personne chère afin de l’aider à «être libérée de liens mortels qui l’empêchent de vivre». De la même manière, dans le récit de la résurrection de Jésus (Jean 20), si l’on s’intéresse à l’héroïne, Marie-Madeleine, on prend conscience qu’il y a plusieurs «inattendus»: la résurrection du Christ, mais aussi… celle de Marie-Madeleine, qui passe du désespoir le plus absolu à une nouvelle relation avec Jésus, qui fait d’elle une source de vie pour tous les autres. «Le Christ, de ressuscité, est devenu ressuscitant! Cela aussi, c’est encore un miracle», conclut Marc Pernot.