Dans la Bible, la haine n’est pas une question de morale

La bataille de Jéricho est l’un des récits les plus violents de la Bible. / ©iStock
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La bataille de Jéricho est l’un des récits les plus violents de la Bible.
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Dans la Bible, la haine n’est pas une question de morale

Alliance
Prenant au sérieux la réalité humaine, Ancien et Nouveau Testaments font état de nombreuses situations où la haine détruit et tue. Des circonstances qui appellent à une conversion et non à des sermons faciles.

Caïn tuant Abel par dépit, Dieu se débarrassant de la violence humaine en noyant la terre sous le déluge, Joseph vendu comme esclave par ses frères jaloux… Dès ses premières lignes, la Bible ne se montre pas bégueule lorsqu’elle aborde le chapitre de la haine et de la brutalité. Surtout quand elles ont des conséquences dramatiques.

«C’est le mode de communication de la Bible», estime Marc Pernot, pasteur dans l’Eglise protestante de Genève et de la paroisse en ligne jecherchedieu.ch. «Elle raconte des histoires qui vont nous faire réfléchir sur nous-mêmes. La haine nous habite, donc elle prend ça en compte.» Une réalité inévitable, que les textes nous renvoient comme un miroir pour que nous puissions mieux la dépasser.

Dans le livre de Josué, par exemple, la bataille de Jéricho se solde par la destruction de la ville par les Israélites et le massacre de ses habitants. «A mon avis, il en faut une lecture allégorique», poursuit le pasteur. «En allant vers la Terre promise, les Israélites détruisent les obstacles. Sur le chemin de la vie bonne que Dieu veut pour moi, il faut que je massacre ce qui me barre la route. Et ce pourrait-il être justement la haine et la vengeance qui m’empêchent d’accéder à la vie en plénitude?»

Avec l’aide de Dieu

Oui, mais… Se débarrasser de sentiments aussi ancrés ne se réussit pas aussi facilement. Le Nouveau Testament se fait l’écho de ces difficultés, quand Jésus dit: «Aimez vos ennemis», et un peu plus loin: «Soyez parfaits comme votre père qui est au ciel est parfait.» (Matthieu 5, Luc 6) «Ces injonctions ont un côté ironique», explique Marc Pernot. «Bien sûr que l’on n’arrive pas à être parfaits. La haine est une colère, on ne la maîtrise pas. Ce n’est pas d’une leçon dont on a besoin ni d’un travail sur soi, mais d’une prise de conscience spirituelle, avec l’aide de Dieu. On doit se laisser enfanter par le Père.»

La Bible parle très souvent de cette alternative à la violence et à la vengeance. En rappelant notamment, du début à la fin, que les êtres humains sont des frères et sœurs bénis par Dieu. A cet égard, le récit du Déluge (Genèse 7), où la Création est noyée sous les flots, offre un exemple frappant. «A la fin, Dieu décide de ne plus jamais recommencer. Il prend acte que les êtres vivants sont violents, et décide de faire alliance avec eux malgré tout, car en les tuant, c’est lui-même qu’il tue. Il s’agit d’un appel à convertir notre théologie et notre manière d’agir: ne plus exterminer, mais faire alliance.»

Le pardon relève du soin spirituel, et non pas de l’amnistie

Et le pardon, alors?

Vues sous cet angle, les fréquentes exhortations à pardonner sont un contresens aux yeux de Marc Pernot. Il en a déjà vu les dérives dans son ministère. «Quand je reçois une femme battue dans mon bureau et qu’elle me dit qu’elle doit pardonner, je suis très gêné! Demander cela à une victime est cruel, car cela ajoute encore à son fardeau.»

Le pardon n’est ainsi pas non plus une question de devoir moral. «Pardonner est une grâce! Réussir à faire alliance, à laisser aller, c’est une libération. Le travail que cela suppose relève du soin spirituel, et non pas de l’amnistie. Le pardon n’est pas de l’ordre de la morale, mais de la résurrection.»

C’est aussi ce que signifie la prière du Notre Père, quand elle demande «pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés». «On a beaucoup moralisé ce passage, mais il s’agit simplement de sortir de la logique de la dette. Cette dernière est perverse. On doit aussi en être libérés par Dieu.»