Laurent Vilain veut une aumônerie en pleine santé
«J’habite en vacances», lâche-t-il face à la baie vitrée de son salon. Au milieu des sapins, aux Paccots (FR), le bonheur de Laurent Vilain semble total. «Après avoir vécu pendant de nombreuses années dans un vieux chalet juste à côté d’ici, nous avons déménagé dans notre jardin», raconte ce pasteur, qui a fait construire un grand chalet moderne dans la station de basse montagne, où il est arrivé en 2004. «Aujourd’hui, notre seul regret est de voir les effets tangibles du réchauffement climatique», confie-t-il. En effet, l’hiver passé, le remonte-pente situé quasi sous ses fenêtres n’a pas pu fonctionner à cause du manque de neige. «Mon fils de 15 ans a ainsi constaté que son époque sera différente…»
Nommé coordinateur cantonal de l’aumônerie santé pour l’Église évangélique réformée du canton de Vaud (EERV), une activité qu’il exerce depuis le 1er janvier dernier, ce Belge de 51 ans a effectué l’entier de sa carrière professionnelle en Suisse romande. Pour autant, c’est tout juste diplômé en sciences économiques qu’il débarque à Genève depuis Bruxelles. «J’étais passionné par l’économie et pensais que le monde du business me correspondrait, d’autant que je maîtrise l’anglais et l’espagnol», relate-t-il.
La Cité de Calvin lui offre ainsi un premier job dans le marketing au sein de la Société biblique de Genève, spécialisée dans la diffusion et l’édition. Un hasard? «Disons que l’envie de faire de la théologie me travaillait déjà», avoue celui qui, ensuite, prendra pourtant un poste de cadre chez Novartis. «Avant de devenir pasteur, je voulais connaître le monde du travail en entreprise. Et aussi, d’une certaine façon, la vie de ceux qui un jour seraient mes paroissiens.» Passant une sorte de pacte avec son épouse, Laurent Vilain demeure gestionnaire financier dans l’industrie pharmaceutique jusqu’à ce qu’elle achève ses études de psychologie. «Dès qu’elle a été en mesure de faire bouillir la marmite, j’ai commencé mes études de théologie, entre Lausanne et Genève.»
Fibre sociale
Aujourd’hui à la tête de 35 aumôniers répartis entre les 30 hôpitaux et les 130 EMS du canton, Laurent Vilain est un pasteur qui s’est toujours senti attiré par «la solitude, la vieillesse et les situations de grande détresse». Après deux ans de stage pastoral à Chardonne, il reste treize ans dans la région veveysanne, dont onze au sein de la paroisse de Vevey. «Avec mes deux autres collègues, les rôles étaient bien répartis. L’un était très versé dans la liturgie et la prédication, l’autre dans la transmission et l’enseignement, tandis que moi j’ai assumé ma fibre sociale.» À l’époque, il affectionne particulièrement les visites auprès de paroissiens. Questionné sur la mentalité vaudoise, il admet percevoir une constante un peu fâcheuse dans cette dernière: «Ici, on respecte tellement la distance avec l’autre que cela peut confiner à l’isolement.»
Élevé à Bruxelles par un banquier et une secrétaire à la Commission européenne, tous deux évangéliques, Laurent Vilain avoue préférer le milieu chrétien réformé, qu’il fréquente aujourd’hui au sein de l’EERV. «J’aime cette place laissée aux interprétations et à la sensibilité de chacun. Le côté plus littéral et prosélyte des évangéliques que j’ai connus ne m’a pas vraiment convenu», confie-t-il. Reconnaissant envers ses parents «sans cesse attentifs à ses émotions et ambitions», il évoque encore la passion de son père pour le tennis, qui deviendra aussi la sienne dès l’adolescence. «Après être passé par tous les sports, j’ai repris la raquette que mon père avait mise entre mes mains à l’âge de 5 ou 6 ans.»
À son arrivée en Suisse, son amour pour la terre battue l’anime toujours, puisque Laurent Vilain devient prof au Tennis Club Les Paccots. Une petite source de revenus bienvenue pendant ses études de théologie. «J’ai rapidement intégré le comité, avant de prendre la présidence du club pendant douze ans, et ce jusqu’à l’année dernière.»
L’occasion de demander à son successeur, l’ingénieur français Pierrick Malet, quel président a pu être Laurent Vilain: «C’est quelqu’un de terriblement bienveillant. Pendant ses années à la tête du club, il a sans cesse fait preuve d’un magnifique sens de l’accueil.» La venue de Timea Bacsinszky, qui s’est déplacée aux Paccots pour les 40 ans du club en juillet 2021, reste une des plus grandes fiertés de Laurent Vilain. «Elle a été merveilleuse de générosité, a échangé quelques balles avec près d’une cinquantaine de membres et est entrée dans un dialogue nourri au sujet de sa carrière et de sa technique», s’émerveille-t-il.
Spiritualité décloisonnée
Ayant troqué la robe de pasteur pour les habits d’aumônier il y a trois ans, Laurent Vilain travaille aujourd’hui en milieu psychiatrique à Corsier-sur-Vevey, à la Fondation de Nant. «On est invité à ne pas y avoir d’attente concernant les patients», relève-t-il avec prudence, avant d’ajouter que cet environnement «décapant» permet «plus que jamais d’aborder la spiritualité décloisonnée». Laurent Vilain se dit persuadé que «l’aumônier est essentiel à l’équipe de santé, ce que le reste du corps médical a bien compris. Désormais, nous sommes présents aux meetings et y avons notre mot à dire.»
C’est donc tout naturellement que le Belge a accepté de chapeauter tous les aumôniers actifs dans les milieux de la santé vaudois dès janvier 2024, sur la proposition de l’EERV. «Je suis maintenant aux premières loges pour œuvrer à la reconnaissance publique de notre mission.» Et de se réjouir des perspectives favorables que promet le plan Vieillir 2030, mené par la conseillère d’État Rebecca Ruiz: «Actuellement en test sur trois communes, l’intégration des aumôniers dans les CMS sera une réelle avancée. Si leur utilité est avérée, alors l’inclusion de l’aumônerie dans le canton de Vaud sera presque totale!»
1973 Naissance à Bruxelles, le 13 mars.
1997 Obtient sa licence en sciences de l’économie à l’Université de Mons.
2001 Entre chez Novartis, où il est gestionnaire des lignes de crédits pour l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Europe de l’Est.
2009 Devient pasteur à l’EERV, puis aumônier. 2023 Quitte la présidence du Tennis Club Les Paccots, après douze ans à sa tête.
2024 Devient coordinateur de toute l’aumônerie santé.