Les presbytériens se retirent de trois entreprises impliquées dans le conflit israélo-palestinien
Photo: L'Assemblée général de l'Eglise presbytérienne © RNS
RNS/Protestinter
L'Assemblée générale de l'Église presbytérienne, à Détroit, a pris la décision de supprimer son soutien à trois entreprises américaines qui profitent de l'oppression des Palestiniens dans les territoires occupés par Israël, par 310 voix contre 303. Avec ses 1,8 million de membres, l'Église presbytérienne américaine (PCUSA) est désormais la plus grande Église américaine à adopter la stratégie du désinvestissement pour faire pression sur Israël afin que l'État restitue les territoires qu'il occupe illégalement.
La résolution sur le désinvestissement cible des entreprises qui, selon les partisans de la mesure, fournissent des équipements électroniques et des engins de terrassement qui soutiennent Israël dans ses atteintes aux droits des Palestiniens. Les presbytériens partisans de cette résolution ont affirmé qu'il s'agissait d'une position qui aurait dû être prise il y a longtemps. L'occupation a débuté en 1967, quand Israël a repoussé les agressions de pays voisins.
Un sujet de discordeCette problématique est un sujet de discorde au sein de l'Église depuis une dizaine d'années et, au cours d'un débat qui a duré plus de trois heures, beaucoup de représentants de l'Église ont déploré le caractère clivant de cette question. Ils ont par ailleurs souligné que, dans le monde entier et surtout aux États-Unis, en Israël et dans les Territoires palestiniens, beaucoup d'observateurs attendaient la décision.
«Nous avons soutenu les entreprises Caterpillar, Hewlett-Packard et Motorola Solutions pendant plus d’une décennie. Ces entreprises n'ont pas modifié leur comportement et continuent de tirer profit des atteintes portées aux droits de la personne perpétrées par Israël et de ses visées non pacifiques», a déclaré le pasteur Walt Davis, de l'Israël-Palestine Mission Network (IPMN), un groupe pro-désinvestissement au sein de l'Église. «Il s'agit d'un vote historique et le point d'orgue d'un long processus interne mûrement réfléchi au sein de l'Église».
Cependant, cette décision est de mauvais augure pour les relations entre presbytériens et juifs, déjà mises à mal depuis la publication en janvier de «Zionism Unsettled», une brochure réalisée par l'IPMN avec l'aval de l'Église et vendue sur le site web de la PCUSA. Cette brochure affirme notamment que le droit justifiant l'existence d'un État juif en Terre Sainte s'appuie sur une théologie erronée.
Le rabbin Rick Jacobs, qui dirige l'Union pour le judaïsme réformé, la plus grande branche du judaïsme en Amérique du Nord, s'est exprimé devant l'Assemblée générale la veille du vote. Il a mis en garde les délégués contre l'adoption de la résolution sur le désinvestissement, qui serait vue comme le signe que l'Église a adopté la ligne du mouvement «Boycott, Désinvestissement, Sanctions» (BDS), qui, selon lui, s'emploie à dénigrer Israël et va même jusqu'à remettre en question son droit à exister.
Une agression envers la communauté juive«Cela constituerait une agression envers la communauté et la religion juives», en particulier après la publication de «Zionism Unsettled», a affirmé le rabbin Jacobs. «Je ne veux pas que les délégués croient qu'ils peuvent se prononcer en faveur du désinvestissement et faire partie du mouvement mondial BDS tout en pensant pouvoir être de notre côté.»
Le rabbin Jacobs a proposé d'organiser une rencontre à Jérusalem entre des responsables presbytériens et le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou si la résolution était rejetée. Un grand nombre d'opposants à la mesure ont affirmé qu'elle ne devait pas se faire au prix d'une rupture des liens entre l'Église et ses amis juifs, exhortant les délégués à accepter l'offre du rabbin Jacobs.
Les auteurs de la résolution sur le désinvestissement semblent s'être employés à faire en sorte que la mesure ne soit pas assimilée aux critiques les plus acerbes d'Israël tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'Église. La résolution réaffirme le soutien de l'Église à une solution à deux États, précisant qu'elle ne constitue pas un alignement avec la stratégie globale du mouvement mondial BDS.
Néanmoins, le rabbin Noam Marans, directeur des relations interreligieuses au sein de l'American Jewish Committee, a fait savoir dans un communiqué publié après le vote: «C'est un affront fait à toutes les personnes qui sont attachées à une résolution pacifique du conflit israélo-palestinien. Ceux qui croient à l'avènement prochain d'un Moyen-Orient débarrassé des juifs se frottent les mains depuis la décision de la PCUSA.»
Des investissements responsablesCarol Hylkema, membre de l'IPMN, a déclaré que, grâce à ce vote, l'Église prend le bon parti dans un débat d'ordre moral. «Notre Église a été un fer de lance du mouvement pour des investissements socialement responsables, mouvement qui a commencé au début des années 1970 pour mettre fin à l'apartheid en Afrique du Sud», a-t-elle expliqué. «C'est une question de bonne intendance, or cette décision permet à nos investissements d'être conformes à nos valeurs.»
Les meneurs du mouvement pour le désinvestissement au sein de l'Église s'efforcent depuis au moins une dizaine d'années de convaincre l'Assemblée générale d'adopter une résolution sur le désinvestissement. À la dernière Assemblée, en 2012, l'opération avait échoué à deux voix près. Le mouvement pour le désinvestissement, qui a le vent en poupe dans de nombreuses universités américaines et Églises protestantes traditionnelles, est particulièrement fort dans l'Église presbytérienne. À sa dernière conférence nationale en date, en 2012, l'Église méthodiste unie avait refusé de recourir au désinvestissement comme outil de pression sur Israël mais il est probable qu'elle se penche à nouveau sur la question en 2016.
Le vote du 20 juin a été précédé la veille d'un autre vote crucial de la PCUSA. Dans une proportion de trois contre un, les délégués à l'Assemblée générale ont autorisé les pasteurs à marier des couples homosexuels dans les juridictions où le mariage homosexuel est légal. Une modification de la définition de mariage, qui ne s'appliquerait plus à «un homme et une femme» mais à «deux personnes», doit être ratifiée par les presbytères régionaux de l'Église. (JMP)