La Cour Suprême des Etats-Unis déclare constitutionnelles les prières confessantes au conseil communal
et Cathy Lynn Grossmann, RNS/Protestinter
Dans son rapport de majorité (5 juges contre 4), le juge Anthony Kennedy a défendu qu’en finançant un homme d’Eglise pour mener une prière confessante lors des rencontres des autorités communales, la Ville de Greece (dans l’Etat de New York) n’est pas contrevenue au Premier amendement, qui interdit toute religion officielle.
«Considérer que les invocations doivent être non confessantes, forcerait les autorités commanditaires de prières et les tribunaux à agir comme superviseur et comme censeurs du discours religieux», écrit Anthony Kennedy au nom des juges conservateurs. Les législateurs et les juges auraient alors à réguler les prières, impliquant les gouvernements dans les affaires religieuses d’une façon bien plus importante que la pratique actuelle de la Ville de Greece qui n’édite pas, n’approuve pas les prières à l’avance et n’en discute pas le contenu après qu’elles ont été dites.»
La juge Elena Kagan, rédactrice pour les juges minoritaires, considère que cette décision est en décalage avec la société américaine d’aujourd’hui. Pour un expert du Premier amendement, il s’agit d’une «mauvaise décision» qui pourrait marginaliser les adeptes de religions minoritaires dans leur propre ville.
Sans surprise, la victoire de la Ville de Greece a été encouragée par les chrétiens conservateurs, notamment, qui estiment que l’expression religieuse a été trop restreinte dans les lieux publics. «La décision de la Cour suprême d’aujourd’hui est une grande victoire pour la liberté religieuse», a déclaré Eric Rassbach, directeur juridique adjoint du Fonds Becket pour la liberté religieuse. «De telles prières ont été menées dans les parlements de notre pays depuis plus de 200 ans. Elles présentent la diversité religieuse de notre pays, et mettent en lumière le fait que la religion est un aspect fondamental de la culture humaine, et elles renforcent l’idée fondamentale que nos droits viennent du Créateur et non du législateur.»
Pas besoin de réfréner sa foi dans l’espace publicTony Perkins, président du Family Research Council, un groupe chrétien conservateur qui défend les valeurs de la famille, a applaudi la décision: «La cour a rejeté l’idée que nous, en tant que citoyens, devions réfréner notre foi en entrant dans l’espace public.»
Cette décision a déçu les femmes athées et juives qui avaient porté plainte contre la ville ainsi que leurs partisans. Elles avaient soutenu que la prière lors des séances du conseil communal qui faisaient souvent référence à Jésus ou au Saint-Esprit excluait les non-chrétiens. Elles ont argumenté que, pendant la prière, tous ceux qui s’opposent à l’exécutif sur ce point ne peuvent que se ranger parmi les prieurs et baisser la tête, paraissant alors accepter cette pratique ou alors se placer sur les bancs du public pour s’opposer au pasteur et à l’exécutif qui l’a invité.
Le fardeau des prières confessantesEdwina Rogers, directeur exécutif de la Secular Coalition for America (groupe de défense des athées, humanistes et libres-penseurs), s’est dite très déçue que la cour «choisisse d’ignorer le fardeau que représente les prières confessantes pour les citoyens non croyants ou ayant d’autres croyances.»
Elena Kagan l’a exprimé dans son rapport: «personne ne peut honnêtement lire les prières des rencontres du conseil communal cde Greece autrement que comme spécifiquement et systématiquement chrétiennes. L’auteur des prières n’a nullement compris que la société américaine aujourd’hui et depuis longtemps est une mosaïque de fois différentes.»
Daniel Mach, directeur du programme sur la liberté de croyance et de conscience de l’Union américaine pour les libertés civiles, a déclaré «Nous sommes déçus par cette décision. Qu’un organe officiel favorise une religion devrait être en dehors des limites fixées par la Constitution. Ces prières confessantes, financées par la commune, violent la règle élémentaire qui impose aux autorités de rester neutres en matière de foi.»
Un revirementIra Lupu, professeur de droit honoraire de l’Université George Washington, spécialiste du Premier amendement, a déclaré que ce jugement «tire un trait sur des décennies de compréhension» de la place accordée à la prière lors des réunions d’états, de communes ou de commissions scolaires.
«Dans les précédentes affaires, les parlements qui priaient systématiquement au nom de Jésus, avaient perdu, mais ceux qui faisaient un effort raisonnable pour avoir un fonctionnement de prière permettant de varier les prières ou ouvert à la pluralité gagnaient. C’était le fonctionnement mis en place qui était important», explique le juriste.
«Cette décision casse avec cette interprétation. Elle n’insiste pas sur l’importance de rendre la prière non confessante ni n’encourage la diversité. La confession majoritaire d’une communauté peut imposer la prière et les croyants minoritaires pourraient être laissés de côté s’ils ne s’impliquent pas pour demander “He! Et nous?”» En conséquence, selon Ira Lupu, «une commune peut de fait s’identifier avec une tradition religieuse particulière, ce que le Premier amendement et justement supposé empêcher. C’est pourquoi je pense que c’est une très mauvaise décision.»
Mais le professeur de droit Richard W. Garnett de l’Université Notre Dame, spécialistes des relations Eglise/Etat et de la liberté religieuse, considère cette décision comme correcte et attendue. «Ce qui est surprenant, par contre, c’est que quatre juges s’opposent à cette décision. Statuer que les prières des conseils et parlements doivent être non confessionnelles aurait été un geste dramatique et controversé.»
Mais pour Richard Garnett, que les prières confessantes soient constitutionnelles, ne signifie par que les pratiques telles que celle de Greece soient «sages et bienvenues»
(job)