L'interdiction de l'avortement par télémédecine gagne du terrain
Cette pratique, à laquelle les femmes peuvent recourir dans les neuf premières semaines de leur grossesse, est désormais interdite dans onze États, selon l'Institut Guttmacher, un centre de recherche favorable aux droits à l'avortement.
Dans l'Iowa – État pionnier de l'interruption volontaire de grossesse (IVG) par télémédecine –, l'Ordre des médecins a décidé en juin de mettre officiellement un terme à cette pratique, tandis que les parlementaires de l'État ont refusé d'intervenir dans la polémique. L'Ordre des médecins de l'Iowa organise une audience publique le 28 août.
La télémédecine: une solution?
«La télémédecine progresse dans tout le pays dans les domaines des maladies chroniques et de la santé mentale, mais il n'y a que pour l'IVG que nous constatons des restrictions», a déclaré Elizabeth Nash, responsable des questions relevant des États à l'Institut Guttmacher. «À chaque fois qu'il y a un progrès dans le domaine de la santé, il y a toujours des restrictions concernant l'avortement.»
L'Institut Guttmacher et d'autres partisans des droits à l'IVG affirment qu'il s'agit d'une pratique sûre et légale qui permet à des femmes vivant en milieu rural d'avoir accès à l'avortement là où aucun médecin ne le pratique. Les opposants à cette pratique, comme le groupe anti-avortement Operation Rescue, arguent que le système pâtit d’un manque de supervision et qu'il peut être dangereux pour les femmes si des effets indésirables venaient à se produire, comme des saignements excessifs, des nausées ou des vomissements.
Lors d’un avortement par télémédecine, la patiente est examinée par une infirmière dans une clinique puis elle participe à une vidéoconférence de plusieurs minutes avec un médecin travaillant à distance. À l'aide de son ordinateur, le médecin délivre le médicament en ouvrant à distance un tiroir contenant le médicament devant la patiente. Celle-ci s'administre la première dose sous la supervision du médecin.
La patiente prend encore deux doses une fois chez elle, où l'interruption de grossesse a lieu. Une visite de suivi est prévue dans les deux semaines.
«On distribue ces pilules comme des Tic Tacs», affirme Troy Newman, président d'Operation Rescue. «Personne n'accepterait un traitement médical comme celui-ci pour n'importe quelle autre procédure.»
Entre 2000 et 2011, 1,52 million de femmes ont eu recours à l'IVG médicamenteuse aux États-Unis, selon la Food and Drug Administration (FDA), qui est l'agence en charge des autorisations de mise sur le marché des médicaments. La FDA approuvé la pilule abortive en 2000. Dans de rares cas, ce type d'IVG a été lié à des infections ayant parfois entraîné la mort, mais la FDA n'a pas établi que la pilule avait été la cause déterminante de ces décès.
Pas d'augmentation du taux d'IVG
Dans l'Iowa, la pratique n'a pas entraîné une augmentation du taux d'IVG mais il a amélioré l'accès à l'avortement pour les femmes vivant en milieu rural, selon une étude publiée en novembre par l'American Journal of Public Health. Cette étude révèle par ailleurs un léger déclin du nombre d'avortements pratiqués au cours du second trimestre de grossesse.
Cette baisse reflète un déclin des IVG dans l'ensemble du pays, indique Troy Newman. Le nombre d'IVG à l'échelle du pays a chuté entre 2000 et 2008, selon les dernières données disponibles.
Jill June, présidente et responsable en chef de Planned Parenthood of the Heartland, a déclaré que le fait de mettre hors-la-loi l'IVG par télémédecine causerait des tracas supplémentaires aux femmes, qui se verraient contraintes de consulter un médecin dans une collectivité qui leur est étrangère. «Si elle ne peut pas obtenir les soins dont elle a besoin là où elle vit, elle devra quitter sa communauté, son système de soutien et sa ville d’origine», a indiqué Jill June.
Depuis que le programme a été lancé dans l'Iowa, en 2008, plus de 3 000 femmes ont opté pour l'avortement par télémédecine, selon Planned Parenthood of the Heartland, qui assure des services de planning familial et propose l'avortement par télémédecine.
Les femmes sont parfois amenées à subir une IVG chirurgicale si elles ne peuvent pas se déplacer jusqu'à un fournisseur dans les neuf premières semaines de leur grossesse, a expliqué Jill June.
Pour l'heure, aucune interdiction ne frappe la télémédecine au sens large, qui permet aux dispensateurs de soins médicaux de partager des images et des vidéos à distance à l'aide de la technologie sans fil ou vidéo.
L'Ordre des médecins de la Géorgie avait proposé l'an dernier une règle imposant qu'un patient soit examiné par un médecin – soit en personne, soit de façon électronique – avant qu'il ne puisse bénéficier de soins par télémédecine. Le projet s'est cependant heurté à des inquiétudes quant au fait qu'il restreindrait l'accès aux traitements médicaux.
Jonathan Linkous, président de l'Association américaine de télémédecine, a indiqué que la consultation à distance n'est pour le moment pas menacée, car les travaux des législateurs d'État n’ont porté que sur les procédures d'avortement. (JMP)