Les institutions religieuses disent non à «No Billag»
«Une Suisse démocratique a besoin de médias de service public, qui assurent une couverture médiatique plurielle et donnent une voix aux minorités ainsi qu’aux plus faibles», prévient la Fédération des Églises protestantes de Suisse (FEPS) dans sa prise de position. «La FEPS rejette toutes les initiatives qui cherchent à couper la parole aux minorités et aux groupes de population les plus faibles. Si on laisse jouer les seules forces du marché, si la radio et la télévision ne sont plus soutenues de façon solidaire par l’ensemble de la population, ces minorités n’auront plus de voix», avance encore l’organisation faitière.
Mêmes inquiétudes du côté des évêques catholiques romains. Les membres de la conférence des évêques suisses (CES) «craignent que, si l’initiative est acceptée, la formation publique d’opinion ne soit encore plus dépendante d’entreprises médiatiques étrangères ou financièrement puissantes. L’identité suisse en serait affaiblie, particulièrement en Suisse francophone et italophone. Aux yeux de la CES, l’acceptation de l’initiative nuirait à la cohésion nationale et agrandirait plutôt les fractures sociétales existantes», peut-on lire dans un communiqué.
«Si les concessions étaient vendues aux enchères, comme l’exige l’initiative, des sociétés financières mettraient en place des programmes selon des critères purement économiques», analyse également le groupe de travail "Église et société" de l’Église méthodiste, relayé par ref.ch qui signale encore que le Conseil synodal de l’Église réformée de Lucerne appelle également à glisser un «non» dans les urnes le 4 mars.
les Emissions religieuses victimes des premières coupes ?
«La compréhension mutuelle est un facteur fondamental pour la cohésion sociale. La SSR comme média de service public en assure une partie importante. Contrairement aux médias privés, cela fait partie de son mandat», rappelle enfin l’Union vaudoise des associations musulmanes (UVAM). Dans son communiqué, l’UVAM rappelle en particulier son attachement aux émissions religieuses de la SSR «qui fournissent des clés de lecture et de compréhension mutuelle qui, de nos jours, deviennent de plus en plus importantes. Pour les minorités religieuses, ces émissions présentent quelques-unes des rares occasions pour sortir des querelles politiques et des actualités quotidiennes, rapidement présentées par des mots clés et souvent dirigées par l’agenda politique et non par une motivation d’instruction et d’éducation.»
L’organisation musulmane ajoute: «Fort probablement, elles seront parmi les premières à tomber en cas d’une réduction des recettes de la SSR suite à une acceptation de l’initiative No Billag. La couverture objective et approfondie des réalités des minorités religieuses vivant en Suisse ne serait plus garantie, leur protection en souffrira.»
les mouvements évangéliques sont moins unanimes
Autre son de cloche auprès de certains évangéliques. «La Suisse a besoin de davantage de diversité dans le domaine médiatique. Le développement de cette diversité et l’ouverture à davantage de confrontation des visions du monde passent par une diminution de la présence du service public. Hégémonique sur tous les vecteurs importants de communication en dehors de la presse écrite, il limite le débat en ne permettant pas la pleine expression des opinions», écrit Serge Carrel dans une opinion personnelle publiée sur le site de la Fédération romande d’Églises évangéliques (FREE). Contacté par Protestinfo, le pasteur et journaliste précise que cette opinion n’engage pas la FREE. «Comme journaliste je trouve les moyens du service public disproportionnés, notamment sur internet par rapport à d’autres médias qui sont soumis à des contraintes de rentabilité comme “le Temps” ou “24 heures”». Quoiqu’il arrive, il appelle les chrétiens à consacrer aux médias évangéliques les montants économisés grâce aux baisses annoncées de redevance. Serge Carrel ajoute enfin: «Et je trouve qu’en matière religieuse, il y a quand même une certaine ligne réformée libérale qui est donnée. Il n’y a jamais une opinion évangélique donnée sans qu’un éclairage sociologique soit énoncé juste après pour présenter les évangéliques comme une minorité ou comme des extrémistes.» Il ne donne toutefois pas de consigne de vote.
L’Union démocratique fédérale (UDF) qui se revendique évangélique, appelle pour sa part à voter oui. Les participants à l’assemblée des délégués du parti «plaident ainsi contre le flux énorme de finances au profit de la SSR par lequel la SSR finance beaucoup de divertissement et des reportages et informations souvent partiaux et déséquilibrés. L’UDF est particulièrement scandalisée que la SSR — financée avec des moyens publics — se prononce constamment contre Israël.» Nombre d’évangéliques sont en effet très attachés à Israël qu’ils reconnaissent comme le peuple de Dieu. La proclamation de l’État d’Israël est ainsi souvent perçue, dans ces milieux, comme l’accomplissement d’une prophétie biblique.