Le Playmobil Luther, le succès d’un objet identitaire
Vous voulez faire plaisir à un protestant? Offrez-lui un Playmobil Luther. A l’occasion du jubilé des 500 ans de la Réforme et à la demande de l’Office du tourisme et des congrès de Nuremberg, la marque de jouets a, en effet, produit un personnage à l’effigie du réformateur allemand. Et c’est un tabac, l’objet a déjà été produit à plus d’un demi million d’exemplaires selon l’agence de presse protestante allemande. Et il s’offre même le luxe d’un scandale: sur la bible que porte la figurine, l’Ancien Testament se termine par le mot fin, laissant entendre — pour certains — que cette première partie du texte biblique serait achevée, dépassée. Une nouvelle version de la figurine corrigeant ce détail sera disponible en mars.
«Ça me plaît qu’une marque de jouets tout public fabrique un objet en lien avec le christianisme qui soit autre chose que des stéréotypes», explique Diane Friedli, pasteure à Cortaillod (NE). «Je l’ai commandé parce que mes enfants aiment énormément les Playmobil. Cela en devient quelque chose de familier pour moi et ça me faisait plaisir de l’avoir. Par contre, on a dû expliquer aux enfants que celui-là appartient aux parents», sourit-elle.
«Il est sur mon bureau… les enfants sont jaloux», reconnaît également Myriam Karlström, conseillère synodale de l’Eglise réformée vaudoise. La responsable du Groupe de pilotage du Jubilé des 500 ans de la Réforme pour l’Eglise vaudoise a toutefois promis à ses enfants qu’elle leur ferait don de l’objet à la fin de l’année de manifestations. «Je l’ai reçu d’un collègue. Et pour être honnête, je ne me le serais probablement pas procuré si je ne l’avais pas reçu.»
Si l’objet est d’ores et déjà culte, n’y a-t-il pas le risque d’en faire un objet de culte? Un comble pour une représentation d'un théologien présenté comme l’initiateur d’une réforme qui a également combattu le culte de la personne. «Ce succès est significatif!», analyse le théologien Pierre Gisel. «Aujourd’hui les gens ont besoin d’identité. Cet engouement est l’indice d’une question refoulée sur l’identité.»
Une analyse que partage Jean Biondina, pasteur à Crans-Montana (VS). «Quelque chose de mon identité protestante est reflété au travers d’un objet du quotidien», se réjouit-il. «Mais cet objet ne peut pas donner lieu à un culte de la personne de Luther. Les traits de cette figurine sont ceux d’un Playmobil, il ne ressemble pas vraiment au réformateur. D’ailleurs, je pense que le personnage n’aurait pas eu le même succès s’il avait été trop réaliste!»
Jean Biondina a d’ailleurs importé 350 figurines avec l’association Valais-500Réforme.ch qui organise différentes manifestations en lien avec le jubilé de la Réforme dans le canton. Les figurines sont revendues 8 francs dans les paroisses réformées valaisannes. Des tasses aux effigies des réformateurs Zwingli, Luther, Platter et Calvin sont également proposées pour 10 francs. Cela permet de financer une partie des manifestations du Jubilé dans le canton. Les réformés valaisans profitent ainsi d’une particularité du jouet: fabriqué à la demande d’un tiers, l’Office du tourisme et des congrès de Nuremberg, il ne figure pas sur le catalogue officiel de la marque. Et comme l’office ne livre que dans la Communauté européenne… ce petit Luther est, en fait, assez difficile à trouver dans notre pays.