Le Conseil œcuménique invisible durant la visite du pape?
Pour commémorer la visite du pape à Genève, le 21 juin passé, la poste a émis un timbre. On y voit le pape et le jet d’eau de Genève. Un symbole de ce qui restera dans les mémoires de ce déplacement? Aurait-on oublié que le pape s’était déplacé à l’occasion du 70e anniversaire du Conseil œcuménique des Églises (COE)? Un message fort peut-être un peu camouflé par la machine médiatique qu’est le pape.
La présence du pape est une raison suffisante
La Poste suisse assume complètement son choix: «pour la première fois depuis 14 ans, un pape vient à nouveau en visite en Suisse. C’est là une raison suffisante de commémorer cet événement avec un timbre-poste. Pour cette raison, le COE n’est pas mentionné sur le timbre», écrit Nathalie Dérobert Fellay, porte-parole du géant jaune. Elle rappelle que «Pour le 500e anniversaire de la Garde suisse, il y a eu deux mini-feuilles en 2005. En outre, il y a eu deux timbres commémoratifs consacrés à Jean Calvin, le réformateur de Genève (pour le 500e anniversaire en 2009 et un en 1959) et un timbre consacré à Huldrych Zwingli (1969).»
Cinq à dix timbres-poste commémoratifs sont émis chaque année alors que la poste reçoit annuellement une trentaine de propositions. «L’arbitrage entre les demandes s’avère être un véritable exercice d’équilibriste, qui plus est avec l’exigence de diversité qui conduit souvent la poste à devoir malheureusement rejeter des demandes pourtant intéressantes», regrette la porte-parole.
Le COE paye, la captation de la messe est offerte
La traitement par la Radio télévision suisse (RTS) de l’événement laisse aussi un sentiment de traitement inégal entre le pape et le COE. Ainsi, si le COE a dû mettre la main au portefeuille pour permettre la captation des célébrations du matin et de l’après-midi, la diffusion de la messe à Palexpo a été financée par la chaîne. «La RTS a décidé, d’entente avec le diocèse, de capter et diffuser la messe célébrée à Palexpo. Malgré la taille du lieu, cette captation correspond à une production classique que la RTS met en place habituellement lors des messes Eurovision. Cette messe a été diffusée dans plusieurs pays dans le monde, dans le cadre de nos échanges habituels avec l’Eurovision», explique Christophe Schenk, rédacteur en chef adjoint de l’actu en télévision.
Quant au fait qu’aucune couverture n’ait été proposée pour la célébration du dimanche précédant à la cathédrale de Genève, durant laquelle le patriarche œcuménique Bartholomée 1er de Constantinople a prêché, Christophe Schenk avoue qu’il n’en avait simplement pas entendu parler: «nos partenaires des émissions religieuses (Cath-info et Medias-Pro) n’ont formulé aucune demande de captation.»
«Concernant le 70e anniversaire du COE, nous avons plusieurs fois rappelé ce contexte dans nos programmes — en amont dans nos éditions, comme dans nos émissions en direct du 21 juin — et notamment présenté le COE et son activité via des interviews et des reportages», précise le journaliste qui réfute la thèse de l’invisibilisation de l’organisation internationale. Combien cette couverture a-t-elle coûté au COE? «Je ne peux pas faire de commentaire sur l’accord commercial passé avec la RTS et l’Union européenne de radiotélévision (UER)», botte en touche Marianne Edjersten, directrice de la communication du COE.
Bilan positif pour le COE
«Lors de cet événement, la visibilité du COE dans les médias généralistes a été plus grande que jamais dans son histoire», se réjouit Marianne Edjersten qui dénombre la présence de 400 médias et plus de 5000 articles publiés à ce jour. Elle rappelle toutefois que la stratégie de communication mise en œuvre le 21 juin visait avant tout à mettre en avant les visions communes du pape et du COE et à encourager les croyants à s’engager concrètement dans des projets œcuméniques. «Ces dernières années, plusieurs programmes du COE et du Vatican ont été parfaitement alignés. Les deux organisations ont fortement collaboré sur des questions telles que le changement climatique, la promotion de la paix dans les pays déchirés par la guerre, la migration, les réfugiés, la collaboration interreligieuse et bien entendu les relations œcuméniques en approfondissant les convergences dans la compréhension théologique de l’Église, de la Mission et de la diaconie.»
«Le COE ne se conçoit pas comme une Église. Il ne souhaite pas se mettre en avant et reste systématiquement en retrait pensant ainsi valoriser les Églises membres», analyse Michel Kocher directeur de Médias-pro. Une stratégie qui participe à cette invisibilisation du COE et de ses membres, pour le journaliste et pasteur. Il regrette toutefois que les catholiques romains jouent peu le jeu de la visibilité des autres confessions. «Par exemple, lors de la visite du pape, les trois présidents d’Église (VD-NE-GE) ont fait l’effort de revêtir une robe pastorale, ce qui n’est pas dans leur culture puisque la robe ne se porte en principe que lorsqu’il y a prédication ou reconnaissance du ministère. Aucun accueil, aucune salutation ne leur ont été accordés dans l’espace liturgique, alors qu’ils avaient fait l’effort d’entrer dans un mode de communication qui n’était pas le leur.»