Ce que la Réforme a apporté aux femmes
«La Réforme est, à priori, une histoire d’homme», lâche Lauriane Savoy, assistante-doctorante en théologie pratique à l’Université de Genève, lors d’une conférence publique au Musée international de la Réforme (MIR) sur «les femmes et la Réforme». Si le rôle de ces dernières à cette période est peu connu, la Réforme modifie la condition de la gent féminine au niveau de l’instruction, du mariage et du rapport à la Vierge, entre autres. Une percée à double tranchant. «Les réformateurs se sont presque tous mariés pour être des modèles d’intégration de la foi dans la société», souligne Lauriane Savoy. Clercs défroqués pour la plupart, ces théologiens ont souvent épousé des femmes qui avaient elles-mêmes quitté le couvent pour les retrouver. «A leurs côtés, l’épouse est une partenaire dans le monde. Notons toutefois l’ambivalence du mariage où la réclusion dans un couvent est parfois remplacée par celle du mari», ajoute la théologienne devant une salle comble du MIR, mercredi 8 mars 2017.
Quant à l’instruction pour tous, «elle devait permettre à chacune et chacun de lire la Bible». «Les réformateurs ont clairement prôné un développement de l’instruction, mais en réalité, la recherche actuelle a montré que le taux d’alphabétisation était plus ou moins équivalent dans les villages catholiques et protestants», souligne Lauriane Savoy. Si les grandes figures de la Réforme ont permis au public d’accéder aux textes, elles ont également lutté contre la piété catholique, notamment le culte à la vierge Marie. «Jusqu’à la Réforme, les femmes étaient très attachées à la figure de Marie et des saintes. Cet idéal impossible de femme, mère et vierge, est remplacé par la femme de pasteur dévouée à son mari et à la paroisse. Une fonction de l’ombre, mais essentielle».
Marie Dentière monte en chaire
Par exemple, Marie Dentière, une théologienne française, fait partie des premières nonnes à avoir quitté le couvent pour se marier en 1528. Invitée en Suisse avec son époux par le réformateur Guillaume Farel, Marie Dentière a été une figure importante pour Genève — son nom a été ajouté au Mur des réformateurs en 2002. «La plupart des théologiens de cette époque sont contre la prédication des femmes. Toutefois lorsque Jean Calvin et Guillaume Farel — avec lesquels Marie Dentière était en contact — ont été chassés de Genève, la théologienne monte en chaire et défend les idées de la Réforme». Elle a rédigé plusieurs ouvrages qui contiennent de vraies revendications féministes. «Marie Dentière n’a pas quitté son couvent pour être sous l’emprise de son mari, mais elle a été une partenaire des réformateurs».
«On retrouve dans la Réforme, le même mouvement d’ouverture porté par le souffle de l’Evangile qu’au temps des premiers chrétiens, mais rapidement cette brèche se referme», relève Elisabeth Parmentier, professeur ordinaire de théologie pratique à l’UNIGE. Ce n’est qu’en 1929 que Marcelle Bard, la première pasteure genevoise a été consacrée au temple de Carouge.