L'humain sacralisé sur la pellicule
Justo
CATHÉDRALE Dans sa longue blouse de travail bleue, ceinturée de rouge, couleur aussi de son petit bonnet, semblable à une calotte, Justo a l’air d’un pape. Un pape de 92 ans au caractère bien trempé. Il y a 57 ans, il a décidé de construire, sur le terrain de son père, à une vingtaine de kilomètres de Madrid, une cathédrale à base de matériaux de récupération. Son rêve : que la messe y soit un jour célébrée. Son drame: il ne verra jamais l’édifice achevé et encore moins la messe célébrée. L’édifice ne respectant aucune norme, l’Evêché refuse d’en faire un lieu de célébration.
Ce projet fou, la réalisatrice Laura García Broto le raconte à la première personne. «Je voulais montrer que lorsqu’on croit en quelque chose, on peut y arriver. Justo, c’est la force de l’impossible. La foi en la vie, en des idéaux et ce qu’ils peuvent nous amener à réaliser. Justo n’est jamais seul, quelque chose de grand l’accompagne. Difficile d’échouer lorsque Dieu est derrière», explique-t-elle.
L'art brut: une marginalité créatrice
CRÉATION Le Fribourgeois Marc Moret réalise des collages. Le Français Michel Nedjar crée des poupées et enveloppe des objets. Ce qui relie ces deux artistes, c’est l’immortalité qu’ils offrent à des objets voués à n’être plus que des déchets. Deux personnalités à la sensibilité criante, qui luttent toutes deux contre le temps qui passe. En moins de quinze minutes, ce documentaire de la réalisatrice suisse Andrea Sautereau, réalisé pour l’émission Faut pas croire de RTSreligion, nous fait pénétrer dans l’intimité de ces deux artistes et découvrir un bout d’art brut.
La réalisatrice avoue sa fascination pour les deux protagonistes de son reportage: «Ils me frappent par l’émotion qu’ils dégagent et par leur honnêteté. Leur spiritualité est évidente», lâche-t-elle. Dans l’appartement de l’un ou dans l’atelier de l’autre, les créations occupent tout l’espace. Des oeuvres qu’ils ont d’abord réalisées pour eux-mêmes, comme une solution à la souffrance. Elles donnent un sens à la vie de ces artistes, elles les ressourcent.
Auschwitz Muzeum
OBJET Préserver le souvenir de l’horreur: tel est le travail auquel s’attellent les restaurateurs d’objets du musée du camp de concentration d’Auschwitz Birkenau. A l’aide de sa caméra, le réalisateur français Sébastien More pénètre dans les coulisses du musée, réinvesti par la vie. Les hordes de touristes, dont le ballet n’échappe pas à l’oeil du réalisateur, en témoignent. Le spectateur découvre le travail minutieux des restaurateurs: le coup de pinceau sur le cuir d’une valise usée, le soin accordé à la salopette en laine d’un bébé, un sol en pierre reconstitué. On mesure l’ampleur du défi: tenir en état des objets du XXe siècle qui ont pour particularité d’avoir été créés pour ne pas durer.
Mais il ne s’agit pas de rendre éclat et splendeur aux objets. Les dégâts qu’ils ont subis et la marque laissée par le temps en font partie intégrante. L’objectif est de «garder en vie» ces témoins de l’histoire, de les faire parler, puisque leurs propriétaires ne le peuvent plus. Un travail de mémoire, auquel s’est aussi voué le réalisateur.
«Avec ce documentaire, j’ai voulu montrer ce qui se passe à Auschwitz aujourd’hui et susciter une réflexion sur ce que l’on souhaite faire de ce lieu: Faut-il accorder autant de temps et d’argent pour le maintenir en état?» Sébastien More ne donne pas de réponse, ce n’est pas son but. Mais le spectateur est mis à l’épreuve
Le sacré à l'encan
TRÉSORS Dans une mélopée au rythme soutenu, l’encanteur (commissaire-priseur en québécois) agite les bras au-dessus de son pupitre en direction de l’assemblée avant d’adjuger. Aujourd’hui, comme presque tous les jours, il vend au plus offrant des objets hétéroclites. Mais, à l’encan (salle de vente aux enchères en quebécois) du quartier branché de Limoilou, à Québec, on trouve des trésors bien particuliers: bancs d’église, crucifix ou bénitiers de chevet.
Claude Labbé y a promené sa caméra et permet au spectateur, dans ce documentaire d’à peine cinq minutes, de se faire une idée du paysage religieux de cette province francophone du Canada.
Les jeunes du nouveau millénaire sont plus friands des objets religieux. Non pas par dévotion, mais par quête de la dernière tendance vintage. Qu’ils soient croyants ou non, les acheteurs paient pour posséder un pan de leur histoire et ces objets interrogent ceux qui les découvrent. La tendance marque aussi un phénomène actuel: l’essor des sans-religion au Québec. La province historiquement catholique comptait 5% de sans-religion en 2001 contre 18% aujourd’hui.
Le reportage est tourné dans le cadre de l’émission religieuse Second regard, qui se fait le reflet des grands courants spirituels et propose un regard sur l’actualité et les questions de sens, diffusée par ICI Radio-Canada Télé.
Les migrants ne savent pas nager
VOYAGE Le titre ne se veut pas provocant, encore moins cynique. Il est certes cru, mais témoigne d’une réalité évidente, que l’on oublie: beaucoup de migrants n’ont jamais vu la mer et ne savent pas nager. Cette réalité, le Français Jean-Paul Mari l’a filmée. Il embarque le spectateur pour un voyage éprouvant, dont personne ne sort indemne. Il suit l’équipage de l’Aquarius pour sa première mission de sauvetage en Méditerranée. On assiste à l'attente et aux sauvetages périlleux. Et puis on écoute les témoignages des rescapés.
«Ces gens qui fuient leur pays, au péril de leur vie, ont une histoire que personne ne connaît. Je voulais la raconter, comme celle des sauveteurs. C’est une façon de dire que, face à quelqu’un qui se noie, nous avons deux options: détourner le regard, ce que fait l’Europe aujourd’hui, ou le sauver. Je crois qu’il faut sortir de l’eau celui qui se noie. Etre humain, ce n’est pas détourner le regard», explique le réalisateur.
Le film pousse le spectateur à se positionner sur un sujet dérangeant. «Le documentaire a été tourné en 2016. En deux ans, rien n’a changé, la politique s’est même durcie. Le bateau pourra-t-il encore travailler alors que la Libye surveille la zone et que Rome ne veut plus laisser accoster les bateaux de migrants?», s’interroge le réalisateur.
Réformés est en lice
Les grandes questions d’Amandine sont une série de vidéos réalisées par Elise Perrier, corédactrice en chef de Réformés. Dans chaque épisode, Amandine s’interroge sur des grandes questions philosophiques, sociologiques ou de société. Le journal Réformés, leitmotiv de la série, lui permet d’aller à la rencontre d’experts qui répondent à ses interrogations. A voir le samedi 27 octobre à 17h au cinéma Bio de Neuchâtel, et sur reformes.ch dès le 1er novembre.
A voir aussi
- Une enfance crucifiée (long métrage, Suisse), le 27 octobre à 16h. Les anciens pensionnaires de l’Institut Marini de Montet à Fribourg témoignent des tortures et abus sexuels subis de la part des prêtres qui les accueillaient alors qu’ils étaient enfants.
- Gaza : la grande évasion (moyen métrage, France), le 27 octobre à 10h15. Quand l’observation du ciel à travers un télescope rend espoir à tout un peuple.
- Ni d’Eve ni d’Adam, une histoire intersexe (long métrage, France, Suisse), le 28 octobre à 9h30. Comment vivre avec un sexe que l’on a choisi pour nous à la naissance? Une réflexion sur la quête des personnes intersexuées, qui se réapproprient leur corps et leur identité.