Renouer avec l'esprit de résistance de Karl Barth
4 mars 2002
Alors que l’Amérique se passionne pour l’œuvre de Karl Barth et finance un projet américano-suisse de plus de un million de dollars pour microfilmer et digitaliser ses innombrables écrits, les éditions d’En Bas à Lausanne publient une biographie du célèbre théologien bâlois, « Karl Barth, une éthique politique » qui permet de renouer avec l’esprit de résistance qui caractérise le théologien
Non, tous les pasteurs ne se sont pas tus devant la montée du nazisme en Allemagne, puis lors de l’instauration du régime de terreur de Hitler. Alors que film de Costa Gavras « Amen. » qui dénonce la compromission des Eglises tant protestantes que catholiques, passe sur les écrans de Suisse romande, il est bon de rappeler que le théologien et pasteur suisse Karl Barth a défié à visage découvert le national-socialisme dès la première heure, au début des années 30, d’abord en Allemagne où il était un professeur de théologie renommé, en refusant de prêter le serment obligatoire d’allégeance à Hitler exigé de tous les professeurs d’Université. Son attitude frondeuse lui valut sa révocation le 21 juin 1935, puis son expulsion du territoire allemand; il poursuivit ses appels à la résistance contre la menace et les exactions des nazis depuis Bâle, sa vielle natale, où il se réfugia et obtint une chaire de théologie. Ses incessantes prises de position ne manquèrent pas d’inquiéter la Suisse officielle soucieuse de préserver sa neutralité.
Le Zurichois Frank Jale, docteur en théologie et aumônier des étudiants de l’Université de St-Gall, a consacré une biographie politique à Karl Barth, qui vient d’être traduite en français et publiée aux Editions d’En basqui inaugure une nouvelle collection.
Cet ouvrage très accessible à tous, rappelle l’esprit non conformiste du théologien, ses convictions démocratiques sans concession et son sens vigoureux de la résistance qui ne devaient pas le lâcher jusqu’à sa mort et lui valut de sérieuses inimitiés, notamment du gouvernement suisse.
§Un Juif nommé JésusDès le tout début, Karl Barth a percé le nationalisme fasciste de Hitler et a été alarmé par son antisémitisme. Le 23 février 1934, s’adressant à un rabbin, Karl Barth affirma que comme chrétien, il ne pouvait que ressentir de la honte et de l’horreur en pensant à tout ce que le peuple juif en Allemagne subissait d’effroyable. Il considérait que l’antisémitisme est un péché contre le Saint-Esprit et que «celui qui est par principe un ennemi des juifs, comme tel, - fût-il par ailleurs un ange de lumière - se fait connaître comme un ennemi par principe de Jésus Christ ». Et en pleine guerre, il rappela que Le Fils de l’Homme, qui était le Fils de Dieu, a pourtant été un Juif ». Dans son ouvrage « Theologische Existenz heute », dont il envoya une exemplaire à Hitler, il réprouva ouvertement l’idée d’un peuple de seigneurs qui en opprime d’autres, et cela au centre de l’Europe.
Par la suite, il a fustigé la démission des Eglises protestante et catholique allemandes, prêtes à toutes les concessions, quand elles ne se sont pas purement et simplement ralliées à Hitler. « Lorsque l’Eglise se fait confessante, écrit-il à son collègue zurichois Emil Brunner, elle va avec crainte et tremblement contre le courant, et pas avec lui."
§Le pouvoir mauvais en soiIl estimait que chaque individu en particulier est fondamentalement responsable des actions de l’Etat et appelé à agir au sein de celui-ci. Considérant que le pouvoir est mauvais en soi, il affirmait que « toute politique entendue comme la conquête du pouvoir et l’art diabolique d’emporter la majorité, est foncièrement sale ». Il pensait que le rappel de Dieu, le rappel du « Tout Autre » constitue la tâche la plus noble et la plus fondamentale de la prédication de l’Eglise et qu’il est en même temps la meilleur garantie pour que l’Etat ne se pose pas en absolu.
« Pour qu’un Etat soit en mesure de demeurer vraiment humain, il doit s’exposer au danger que l’Eglise se mêle parfois de ses affaire de façon fort désagréable ». La parole claire et la volonté de résistance de Barth dérangent. A l’été 1941, il est interdit de parole sur tout le territoire suisse. Ce qui ne l’empêche pas, à l’invitation de la Jeune Eglise, organisation de jeunesse protestante suisse alémanique, de prononcer un discours à l’occasion du 650e anniversaire de l’alliance confédérale, qui sera publié chez un petit éditeur, qui échappera pendant quelques jours à la vigilance de la censure, ce qui permit d’écouler la brochure à plus de douze mille exemplaires. Ses mots sont très tranchants. Il met en garde contre ceux qui avouent ouvertement « qu’ils visent à l’alignement et à l’adaptation de notre pays, à la destruction de la Suisse, à la capitulation directe ou indirecte, à la génuflexion devant les dieux étrangers, devant les dieux du succès, et à l’adoration de ces idoles ». Il appelle à résister à la pression économique, avec ce que cela comporte comme conséquence prévisible, une disette, l’éventualité d’une attaque militaire, des agressions, des difficultés de tous autres. Pendant toute la guerre, il s’occupe de l’accueil de réfugiés, pour la plupart juifs. A peine la guerre était-elle finie qu’il appelle à l’amitié avec l’Allemagne vaincue qui, dit-il, en a grand besoin.
« Une communauté qui se contenterait d’être spectatrice des événements de l’actualité ne serait pas la communauté chrétienne ». Ce leitmotiv de Barth tiré de « Une voix suisse » publié en 1944 aux éditions Labor & Fides, résume l’éthique politique du théologien qui sous-tend toute son œuvre. Il garde aujourd’hui toute son actualité.
§ Frank Jehle, "Karl Barth, une éthique politique, 1906-1968", éd. d'En bas,2002§
Le Zurichois Frank Jale, docteur en théologie et aumônier des étudiants de l’Université de St-Gall, a consacré une biographie politique à Karl Barth, qui vient d’être traduite en français et publiée aux Editions d’En basqui inaugure une nouvelle collection.
Cet ouvrage très accessible à tous, rappelle l’esprit non conformiste du théologien, ses convictions démocratiques sans concession et son sens vigoureux de la résistance qui ne devaient pas le lâcher jusqu’à sa mort et lui valut de sérieuses inimitiés, notamment du gouvernement suisse.
§Un Juif nommé JésusDès le tout début, Karl Barth a percé le nationalisme fasciste de Hitler et a été alarmé par son antisémitisme. Le 23 février 1934, s’adressant à un rabbin, Karl Barth affirma que comme chrétien, il ne pouvait que ressentir de la honte et de l’horreur en pensant à tout ce que le peuple juif en Allemagne subissait d’effroyable. Il considérait que l’antisémitisme est un péché contre le Saint-Esprit et que «celui qui est par principe un ennemi des juifs, comme tel, - fût-il par ailleurs un ange de lumière - se fait connaître comme un ennemi par principe de Jésus Christ ». Et en pleine guerre, il rappela que Le Fils de l’Homme, qui était le Fils de Dieu, a pourtant été un Juif ». Dans son ouvrage « Theologische Existenz heute », dont il envoya une exemplaire à Hitler, il réprouva ouvertement l’idée d’un peuple de seigneurs qui en opprime d’autres, et cela au centre de l’Europe.
Par la suite, il a fustigé la démission des Eglises protestante et catholique allemandes, prêtes à toutes les concessions, quand elles ne se sont pas purement et simplement ralliées à Hitler. « Lorsque l’Eglise se fait confessante, écrit-il à son collègue zurichois Emil Brunner, elle va avec crainte et tremblement contre le courant, et pas avec lui."
§Le pouvoir mauvais en soiIl estimait que chaque individu en particulier est fondamentalement responsable des actions de l’Etat et appelé à agir au sein de celui-ci. Considérant que le pouvoir est mauvais en soi, il affirmait que « toute politique entendue comme la conquête du pouvoir et l’art diabolique d’emporter la majorité, est foncièrement sale ». Il pensait que le rappel de Dieu, le rappel du « Tout Autre » constitue la tâche la plus noble et la plus fondamentale de la prédication de l’Eglise et qu’il est en même temps la meilleur garantie pour que l’Etat ne se pose pas en absolu.
« Pour qu’un Etat soit en mesure de demeurer vraiment humain, il doit s’exposer au danger que l’Eglise se mêle parfois de ses affaire de façon fort désagréable ». La parole claire et la volonté de résistance de Barth dérangent. A l’été 1941, il est interdit de parole sur tout le territoire suisse. Ce qui ne l’empêche pas, à l’invitation de la Jeune Eglise, organisation de jeunesse protestante suisse alémanique, de prononcer un discours à l’occasion du 650e anniversaire de l’alliance confédérale, qui sera publié chez un petit éditeur, qui échappera pendant quelques jours à la vigilance de la censure, ce qui permit d’écouler la brochure à plus de douze mille exemplaires. Ses mots sont très tranchants. Il met en garde contre ceux qui avouent ouvertement « qu’ils visent à l’alignement et à l’adaptation de notre pays, à la destruction de la Suisse, à la capitulation directe ou indirecte, à la génuflexion devant les dieux étrangers, devant les dieux du succès, et à l’adoration de ces idoles ». Il appelle à résister à la pression économique, avec ce que cela comporte comme conséquence prévisible, une disette, l’éventualité d’une attaque militaire, des agressions, des difficultés de tous autres. Pendant toute la guerre, il s’occupe de l’accueil de réfugiés, pour la plupart juifs. A peine la guerre était-elle finie qu’il appelle à l’amitié avec l’Allemagne vaincue qui, dit-il, en a grand besoin.
« Une communauté qui se contenterait d’être spectatrice des événements de l’actualité ne serait pas la communauté chrétienne ». Ce leitmotiv de Barth tiré de « Une voix suisse » publié en 1944 aux éditions Labor & Fides, résume l’éthique politique du théologien qui sous-tend toute son œuvre. Il garde aujourd’hui toute son actualité.
§ Frank Jehle, "Karl Barth, une éthique politique, 1906-1968", éd. d'En bas,2002§