Pasteurs à la retraite :« Vieillir, c’est voir Dieu de plus près »

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Pasteurs à la retraite :« Vieillir, c’est voir Dieu de plus près »

7 septembre 2001
« Un pasteur à la retraite, c’est comme une statue qui a perdu son socle ! » La boutade de Samuel Dubuis, pasteur retraité, sonne juste
Il n’est pas insignifiant de faire le deuil de sa paroisse, ( le fameux socle en question) , mais aussi d’une certaine reconnaissance sociale due à la fonction. Ni de se confronter à sa foi, celle qu’on a cherché toute sa carrière à communiquer aux autres. Portraits croisés de quelques ministres retraités qui sont redevenus des paroissiens comme les autres.

« L’activisme pastoral nous projette souvent à la surface de nous-mêmes. La retraite peut être l’occasion de retrouver notre être intérieur », estime Samuel Dubuis, 76 ans, qui vit dans un EMS à un jet de pierre de son ancienne église, dont il fut le pasteur pendant 20 ans et qu’il vient de voir brûler. L’homme a l’œil pétillant, l’esprit vif, sa curiosité du monde extérieur est intacte. « Vieillir, c’est voir Dieu de plus près ». S’il emprunte les mots au poète, c’est pour résumer le travail qu’il mène sur sa relation avec Dieu dans un temps de deuils et de pertes. « Je suis entré dans un temps d’approfondissement, j’ai tout le temps de creuser les réflexions et les émotions qui me viennent ». Lucide, le pasteur pulliéran ajoute : « Souvent, à force de parler de Dieu, on l’a soi-même un peu perdu de vue. Désormais, il n’y a plus rien qui m’en distrait. La relation à Dieu est la seule chose qui subsiste quand on a tout perdu et quand on se trouve face à l’opacité du mystère de la mort. Face à la dégringolade qui me guette, je découvre la gentillesse humaine du personnel soignant, je découvre l’amour en actes. Je découvre ici, dans l’établissement médico-social où je vis, la valeur ineffaçable de chacun, quel que soit son état de dégradation. »

§La retraite active de Bernard GilliéronL’engagement du ministre en réponse à l’appel de sa vocation, est considérable. Quand l’exercice de ce ministère s’arrête, constate Olivier Favrod, qui s’occupe de l’accompagnement des ministres dans au sein de l’Eglise évangélique réformée vaudoise, le pasteur peut se trouver devant un vide qui peut l’inquiéter et lui peser. C’est pourquoi nous avons proposé aux retraités des postes de suffragants, des remplacements. Maintenant que la pénurie de ministres est en train de se résorber, nous ferons moins appel à des retraités. Certains se tournent vers d’autres activités ».

C’est le cas notamment du pasteur Georges Andrié qui a créé l’aumônerie de Rive-Neuve à Villeneuve, pour accompagner des malades qui y reçoivent des soins palliatifs. Désireux de continuer à servir l’Evangile, il y travaille bénévolement. « Je reçois des leçons d’humanité. Je suis interpellé par les situations humaines des patients que j’accompagne, qui me blessent et me renvoie à ma propre fin. »

§Retraite activeLe pasteur Bernard Gilliéron, depuis 10 ans à la retraite, a créé en 1983 les Editions du Moulin, sa façon a à lui, de se préparer à une retraite active et de quitter en douceur sa paroisse d’Aubonne. A son actif, quatre-vingt titres, dont bon nombre dus à son talent d’exégète.

« Un pasteur a beaucoup de chance, les choses ne s’arrêtent jamais. On reste pasteur toute sa vie ». De remplacements dominicaux en dépannages, Bernard Gilliéron a parcouru tout son canton. Il poursuit par ailleurs la rédaction de la seconde partie de son dictionnaire biblique, qui est un véritable succès de librairie. La retraite lui a aussi permis de renouer des liens avec les anciens de sa volée. « On se rencontre souvent, on se sent très proches les uns des autres, peut-être parce qu’on partage une même approche de la réalité, mais aussi une certaine souffrance ».

Il constate avec une intonation de regret qu’aujourd’hui, on ne vit plus à l’heure de son clocher. Il regrette le temps où les pasteurs étaient habités par l’esprit du ministère 24 heures sur 24, et souffre pour beaucoup de ses collègues qui doivent faire face à la mise en place d’Eglise à Venir et se démènent entre plusieurs activités.

§Se ressourcer à GrandchampPasteur aux Acacias à Genève en début de carrière, responsable de la formation d’adultes pendant dix-huit ans dans le canton de Vaud, Ulrich Ruegg a accueilli le temps de la retraite comme une aubaine pour faire autre chose, le jardin par exemple auquel il n’avait jamais touché auparavant, pour voir ses sept petits-enfants et pour retrouver les amis qu’il s’est fait tout au long de sa carrière. « Comme pasteur, c’est agréable d’être paroissien ». Aucune nostalgie dans les yeux bleu ciel du pasteur installé à Yverdon-les-Bains. La Communauté de Grandchamp est le seul endroit où il lui arrive encore de prêcher. Il ne l’a jamais lâchée, elle lui permet de s’y ressourcer, il y fait des retraites, il y suit les postulantes.

§Pasteur de réflexion Ancien professeur d’éthique sociale aux Facultés de théologie de Genève et de Lausanne, André Biéler a presque perdu la vue, ce qui ne l’empêche pas d’attendre très courtoisement la journaliste au bas de l’ascenseur qui conduit à son petit appartement sous les toits, dans la résidence pour personnes âgées où il vit avec sa femme. La recherche intellectuelle a occupé la dernière partie de sa vie professionnelle, après qu’il a passé dans une quinzaine de paroisses. « J’étais plutôt un pasteur de la réflexion, se plaît-il à résumer, aussi, je n’ai pas eu à regretter une paroisse. « Ma femme m’accompagne dans ma recherche spirituelle, cela m’est très précieux. » Ses plaisirs : sa grande famille et ses retrouvailles hebdomadaires avec six anciens collègues pasteurs, qui ont suivi des cheminements très divers.