"Le ciel est en toi" de Michel Cornuz:Ne pas confondre mystique et développement personnel
2 août 2001
La mystique est à la mode. Recherche spirituelle, soif d’absolu, souci d'épanouissement sont à l’origine de cet engouement
Mais qu’entend-on par mystique ? Le mot actuellement signifie tout et n’importe quoi. Dans son ouvrage « Le ciel est en toi », le théologien Michel Cornuz rappelle que la mystique est une voie exigeante de transformation intérieure qui n’a rien à voir avec la spiritualité égocentrique prônée par un New Age soucieux avant tout de développement personnel. L’inflation du moi est même l’exact contraire de l’oubli de soi recherché par les mystiques. A l’instar de l’écrivain Christiane Singer, Michel Cornuz emprunte les mots d’un mystique du 17e siècle, Angelus Silesius, pour le titre de son introduction à la mystique chrétienne, « Le ciel est en toi »* . Il faut en fait rappeler la citation dans son entier pour en saisir le sens : « Arrête, où cours-tu ? Le ciel est en toi, cherche-tu Dieu ailleurs, tu le manques sans fin ».
L’auteur, actuellement pasteur de l’Eglise française d’Argovie, s’attache d’emblée à démontrer que la spiritualité mystique n’est pas la recherche d’un développement personnel ou d’un accès à de nouveaux stades de conscience, qu’elle n’a rien à voir avec une spiritualité égocentrique marquée par l’inflation du moi, qui a tendance à s’accaparer les attributs du divin . « Du Dieu en moi, au moi égale qui rappelle que le mystique chrétien pénètre dans son intériorité non pour s’exalter, mais pour mieux se quitter et s’abandonner, afin de laisser la place à l’Esprit du Christ, qui ne peut que le décentrer en le renvoyant à autrui et au monde. « Quand je me perds de vue, écrit Simone Weil, c’est que je Le regarde ». « Va à ta recherche et là où tu te trouves, quitte-toi » affirmait pour sa part Maître Eckhart.
§Dignité originelle Le ciel dont parle Silesius est le symbole par excellence de ce qui est élevé au-dessus de nous, de ce qui nous dépasse, de ce qui nous est transcendant. Silesius n’affirme pas que l’homme en sa profondeur est divin, mais précise qu’en nous peut être trouvé quelque chose ou quelqu’un qui n’est pas nous, qui nous dépasse et en même temps nous constitue. Il invite à prendre en compte notre dignité originelle.
Le mystique, explique Michel Cornuz, fait un véritable travail de dépouillement, de détachement, d’anéantissement de son ego par la prière pour découvrir la proximité de Dieu. « C’est que tu étais au-dedans de moi, et moi, j’étais en dehors de moi… tu étais avec moi et je n’étais pas avec toi » ; saint Augustin est le premier à parler véritablement de la proximité de Dieu. Maître Eckhart, lui, de donner cette admirable précision : « C’est un grand dommage pour l’homme de croire Dieu loin de lui. Que l’homme soit près ou loin, Dieu, lui, ne s’éloigne jamais, il reste toujours dans le voisinage et s’Il ne peut demeurer en nous, il ne va jamais plus loin que l’autre côté de la porte. »
§Nuits intérieuresLe cheminement mystique peut se faire aussi bien à travers l’expérience de la plénitude que de la souffrance. Il n’est en aucun cas la voie du bonheur à bon marché. La paix est promise mais elle passe nécessairement par des nuits intérieures. La vraie mystique, rappelle aussi Michel Cornuz, passe par le retour aux autres. Et l’auteur de citer les paroles de Hetty Hillesum, jeune Hollandaise juive internée dans un camp : « Notre unique obligation morale, c’est de défricher en nous-mêmes de vastes clairières de paix et de les étendre de proche en proche, jusqu’à ce que cette paix irradie vers les autres, écrivait la jeune femme, plus il y aura de paix dans les êtres, plus il y en aura dans ce monde en ébullition ».
En pleine horreur concentrationnaire, la jeune femme puise dans sa vie intérieure une prodigieuse énergie qu’elle fait rayonner pour les autres.
La méditation permet d’intégrer toute la souffrance du monde et même la souffrance de Dieu. « Je vais t’aider, mon Dieu, à ne pas t’éteindre en moi, écrit encore la jeune femme dans son journal, mais je ne puis rien garantir d’avance. Une chose cependant m’apparaît de plus en plus claire : ce n’est pas toi qui peut nous aider, mais nous qui pouvons t’aider, et ce faisant, nous nous aidons nous-mêmes. »
§Rendre compte de l’ineffableMichel Cornuz commente les textes avec lesquels les mystiques ont essayé de rendre compte de l’ineffable de leur expérience. Il ne croit pas aux bienfaits d’une méthode de méditation utilisée dans un tout autre contexte de pensée que celui d’où elle est issue. Le zen par exemple, peut-il être séparé du bouddhisme comme attitude spirituelle, philosophique et religieuse ? Il ne suffit pas de suivre des recettes techniques, encore faut-il savoir dans quels buts.
L’ouvrage de Michel Cornuz donne envie de se secouer de ses paresses affectives et spirituelles et du carcan des culpabilités qui empêchent à coup sûr de se mettre en route et de commencer à décanter et à simplifier nos vies pour tendre , même modestement, à l’essentiel et à cet infini que nous font entrevoir les mystiques.
§Le ciel est en toi, introduction à la mystique chrétienne, Michel Cornuz,244 pages, éd. Labor et & Fides§
L’auteur, actuellement pasteur de l’Eglise française d’Argovie, s’attache d’emblée à démontrer que la spiritualité mystique n’est pas la recherche d’un développement personnel ou d’un accès à de nouveaux stades de conscience, qu’elle n’a rien à voir avec une spiritualité égocentrique marquée par l’inflation du moi, qui a tendance à s’accaparer les attributs du divin . « Du Dieu en moi, au moi égale qui rappelle que le mystique chrétien pénètre dans son intériorité non pour s’exalter, mais pour mieux se quitter et s’abandonner, afin de laisser la place à l’Esprit du Christ, qui ne peut que le décentrer en le renvoyant à autrui et au monde. « Quand je me perds de vue, écrit Simone Weil, c’est que je Le regarde ». « Va à ta recherche et là où tu te trouves, quitte-toi » affirmait pour sa part Maître Eckhart.
§Dignité originelle Le ciel dont parle Silesius est le symbole par excellence de ce qui est élevé au-dessus de nous, de ce qui nous dépasse, de ce qui nous est transcendant. Silesius n’affirme pas que l’homme en sa profondeur est divin, mais précise qu’en nous peut être trouvé quelque chose ou quelqu’un qui n’est pas nous, qui nous dépasse et en même temps nous constitue. Il invite à prendre en compte notre dignité originelle.
Le mystique, explique Michel Cornuz, fait un véritable travail de dépouillement, de détachement, d’anéantissement de son ego par la prière pour découvrir la proximité de Dieu. « C’est que tu étais au-dedans de moi, et moi, j’étais en dehors de moi… tu étais avec moi et je n’étais pas avec toi » ; saint Augustin est le premier à parler véritablement de la proximité de Dieu. Maître Eckhart, lui, de donner cette admirable précision : « C’est un grand dommage pour l’homme de croire Dieu loin de lui. Que l’homme soit près ou loin, Dieu, lui, ne s’éloigne jamais, il reste toujours dans le voisinage et s’Il ne peut demeurer en nous, il ne va jamais plus loin que l’autre côté de la porte. »
§Nuits intérieuresLe cheminement mystique peut se faire aussi bien à travers l’expérience de la plénitude que de la souffrance. Il n’est en aucun cas la voie du bonheur à bon marché. La paix est promise mais elle passe nécessairement par des nuits intérieures. La vraie mystique, rappelle aussi Michel Cornuz, passe par le retour aux autres. Et l’auteur de citer les paroles de Hetty Hillesum, jeune Hollandaise juive internée dans un camp : « Notre unique obligation morale, c’est de défricher en nous-mêmes de vastes clairières de paix et de les étendre de proche en proche, jusqu’à ce que cette paix irradie vers les autres, écrivait la jeune femme, plus il y aura de paix dans les êtres, plus il y en aura dans ce monde en ébullition ».
En pleine horreur concentrationnaire, la jeune femme puise dans sa vie intérieure une prodigieuse énergie qu’elle fait rayonner pour les autres.
La méditation permet d’intégrer toute la souffrance du monde et même la souffrance de Dieu. « Je vais t’aider, mon Dieu, à ne pas t’éteindre en moi, écrit encore la jeune femme dans son journal, mais je ne puis rien garantir d’avance. Une chose cependant m’apparaît de plus en plus claire : ce n’est pas toi qui peut nous aider, mais nous qui pouvons t’aider, et ce faisant, nous nous aidons nous-mêmes. »
§Rendre compte de l’ineffableMichel Cornuz commente les textes avec lesquels les mystiques ont essayé de rendre compte de l’ineffable de leur expérience. Il ne croit pas aux bienfaits d’une méthode de méditation utilisée dans un tout autre contexte de pensée que celui d’où elle est issue. Le zen par exemple, peut-il être séparé du bouddhisme comme attitude spirituelle, philosophique et religieuse ? Il ne suffit pas de suivre des recettes techniques, encore faut-il savoir dans quels buts.
L’ouvrage de Michel Cornuz donne envie de se secouer de ses paresses affectives et spirituelles et du carcan des culpabilités qui empêchent à coup sûr de se mettre en route et de commencer à décanter et à simplifier nos vies pour tendre , même modestement, à l’essentiel et à cet infini que nous font entrevoir les mystiques.
§Le ciel est en toi, introduction à la mystique chrétienne, Michel Cornuz,244 pages, éd. Labor et & Fides§