En Gruyère, un couple d’historiens choisit le baptême républicain
Baptême, mariage, enterrement: les grands moments d’une vie demeurent marqués par des rites chrétiens. Si la fréquentation aux cultes et messes est à la baisse, ces cérémonies suscitent plutôt un regain d’intérêt. Certains ministres accueillent avec quelque réserve la cohorte des « fidèles occasionnels ». Faut-il, par exemple, demander le baptême pour des raisons « sociales », alors que l’on n'a aucune intention d’en vivre les implications ?
Devant ces interrogations, certaines voix s’étonnent que notre pays ne propose aucune alternative à la cérémonie religieuse. « Obligatoire, le mariage civil n’est considéré que comme une formalité administrative. L’enterrement civil semble ne concerner que quelques vieux récalcitrants », tempête Gillian Simpson. Cette historienne gruérienne a été dans le nord de la France pour que Camille, sa fille de 20 mois, puisse recevoir le baptême civil.
Instauré durant la Révolution française, ce « baptême républicain » se réclame de la vision rousseauiste d’un être humain né naturellement bon. Connaissant un regain d’intérêt dans certaines régions du nord et de l’est de la France, il présuppose que l’on veut élever son enfant « hors de tout préjugé d’ordre social ou philosophique, et dans le culte de la raison, de l’honneur et de la solidarité. » Sauf en de rares exceptions, il est réservé aux ressortissants français résidents dans ce pays. La mairie de Sin-le-Noble (près de Douai), où réside encore la grand-maman de Camille, a fait une exception. Une provocation ? « Un peu, sourit le papa, historien lui aussi. Nous pensons que ce n’est pas parce que nous ne sommes pas croyants que notre fille aurait dû être privée d’un rite d’entrée dans le monde. Par ailleurs, je considère que c’est respecter la conviction des croyants que de refuser un baptême chrétien auquel on ne croit pas. »
§Très solennelLa marraine, catholique, offre à Camille un petit médaillon de sa propre chaîne de baptême. Le parrain, bouddhiste, lit un poème écrit pour la circonstance. Quant au papa, il coiffe le bonnet phrygien et fait résonner les murs de la salle des mariages de la petite commune « L 'hymne à la jeunesse » de Cambini. Gillian Simpson : « C’était très solennel, la maire était venue avec son écharpe tricolore. Elle a rappelé les valeurs républicaines et l’importance de donner aux enfants une culture civique. »
On l’aura compris: pour les parents de Camille, leur démarche se veut aussi une manière de ne pas imposer à leur fille une religion à laquelle eux-mêmes n’adhèrent pas. Mais ce choix, rare sinon unique en Suisse romande, ne va-t-il pas singulariser et donc marquer bien plus fortement encore les convictions de l’enfant ? « Par définition, estime son papa, notre société est devenue pluriculturelle et pluriethnique. Dès lors, je ne vois pas le problème. Notre fille sera tout à fait libre de croire en Dieu si elle en fait le choix. » Vraiment ?