Homosexualité : les protestants s’interrogent

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Homosexualité : les protestants s’interrogent

6 juin 2001
La Fédération des Eglises protestantes de Suisse relance le débat sur l’homosexualité
Dans un ouvrage qui vient de paraître, trois docteurs en théologie dressent un état des lieux sur la manière dont ce thème a questionné et interroge encore les Eglises réformées. Peut-on bénir l’union de deux personnes du même sexe ? Des pasteur(e)s homophiles pourraient-ils vivre leur relation au sein de la cure ? A l’heure où le statut juridique du couple homosexuel s’apprête à recevoir une reconnaissance politique, ce questionnement est plus que jamais d’actualité. Des cultes de bénédiction sont-ils envisageables dans le cas de l’union de deux personnes du même sexe ? Des pasteur(e)s homophiles peuvent-ils vivre leur relation au sein de la cure ? Inutile de le nier : la reconnaissance des homosexuel(les) pose un sérieux problème de conscience aux Eglises, qu’elles soient protestantes ou non.

La Commission théologique de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS) vient de sortir un ouvrage qui fait un peu figure de pavé dans la mare. Paru en français et en allemand sous la plume de trois théologiens, « Qui a peur des homosexuel-les ? » se veut avant tout un outil de travail et de réflexion. « Notre but, explique la pasteure genevoise Isabelle Graesslé, était de tenter une approche pluridisciplinaire. Quelque chose de simple, d’accessible, qui puisse nourrir le débat au sein des paroisses. Parce que si le travail rédactionnel est achevé, la question demeure, elle, plus ouverte que jamais. »

§Actualité politiqueOn sait en effet que l’Office féderal de la justice annonce l’arrivée imminente d’un avant projet de loi qui offrira la solution d’un partenariat enregistré pour les couples homosexuels. « Cela va forcément relancer les interrogations », reconnaît le professeur Pierre Bühler qui a également collaboré à la réalisation de l’ouvrage. Cinq églises (voir encadré) ont par exemple décidé de l’instauration d’un culte pour « personnes vivant dans des situations de vie particulière. » Une formule qui inclut, plus ou moins explicitement, les homosexuels. « Or, poursuit Pierre Bühler, si le partenariat acquiert un statut juridiquement équivalent à celui du mariage, cette position pourrait devenir discriminatoire. »

Dans cette optique, donner sens à l’homosexualité revient à s’interroger sur le sens social, mais aussi théologique du mariage. Il pourrait être l’occasion de repenser les relations du couple et de la famille. « Le mariage n’est pas en soi un absolu, notent par exemple les auteurs. Nous ne devons donc pas craindre de le voir évoluer, dans le sens d’un plus grand respect de la vie bonne des êtres humains. » Position qui ne saurait être partagée par les catholiques, pour qui le mariage représente non pas un rite, mais un sacrement. Ainsi, « si l’on note plus de compréhension pour les personnes homosexuelles de la part de L’Eglise catholique romaine, on remarque aussi qu’elles continuent à condamner résolument la réalisation concrète du penchant homosexuel. » Voilà qui est également le cas des orthodoxes et de la mouvance évangélique, qui condamnent l’homosexualité en raison d’une lecture littérale du texte biblique, considéré comme une autorité absolue valable en tout temps et en tout lieu.

§Parfois violemment répriméeEnfin, rappellent les auteurs, l’exclusion des homosexuels reste fréquente dans de nombreuses Eglises de l’hémisphère sud, et notamment en Afrique noire où elle se voit renforcée par un déni social et des législations étatiques discriminatoires. « Lors de l’assemblée plénière du Conseil œcuménique des Eglises au Zimbabwe, nous avons appris avec quelle brutalité certains états répriment cette forme de sexualité », raconte Isabelle Graesslé.

Bref, la reconnaissance de l’homosexualité se heurte encore à bien des interrogations d’ordre éthique, moral, écclésiologiques et bibliques. L’importante diversité de positionnement des Eglises réformées montre que la polémique demeure vivace. D’ailleurs, si L’Institut d’éthique sociale s’est exprimé à ce sujet, ce n’est pas le cas du Conseil de la FEPS. Pierre Vonaesch, directeur de la section « Eglise en dialogue » explique: « Une telle procédure, longue et compliquée, puisqu’elle implique une consultation de tous nos membres, n’est pour l’instant pas envisagée. Conformément à la tradition réformée helvétique, nous préférons susciter le débat au sein des paroisses. »

§Isabelle Graesslé, Pierre Bühler et Christophe D. Müller, «Qui a peur des Homosexuel-les ? », éditions Labor et Fides.