Vénérer Jésus et Bouddha: les fidèles sont-ils tombés sur la tête?
1 décembre 2000
Ils sont toujours davantage à combiner leur appartenance chrétienne à une autre religion souvent orientale, bouddhisme, hindouisme ou taoïsme
Dans "Vivre de plusieurs religions: Promesse ou illusion" qui vient de sortir aux Editions de L'Atelier, plusieurs personnes vivant une double appartenance religieuse expriment les bénéfices spirituels qu'ils retirent de leur identification à deux traditions. Mais peut-on concilier des doctrines différentes, parfois contradictoires, sans les dénaturer? Peut-on suivre plusieurs guides, vivre plusieurs croyances ? La réponse du théologien genevois Jean-Claude Basset, spécialiste du dialogue interreligieux. "Je peux dire honnêtement que je vénère à la fois le Bouddha et Jésus de Nazareth", affirme Elizabeth Harris, responsable du secrétariat pour les relations interreligieuses de l'Eglise méthodiste de Grande-Bretagne". "La recherche de la vérité qui anime le fond de mon existence humaine m'a fait rencontrer tant l'Evangile que le Zen", complète Luciano Mazzocchi, animateur de la Communauté Evangile et Zen près de Milan. Bricolage pour les uns, relativisme pour les autres, les témoignages recueillis dans "Vivre de plusieurs religions: Promesse ou illusion", qui vient de sortir aux Editions de L'Atelier, ne laissent pas indifférents. Car des personnes parfaitement sérieuses dans leur approche religieuse ont réussi à combiner leur foi d'origine avec une autre foi découverte en chemin. Alors qu'une telle démarche pose de sérieux problèmes aux professionnels de la religion ainsi qu'à certaines Eglises, elle semble naturelle à des croyants à la recherche de repères pour approfondir leur expérience du divin: "La double appartenance n'est pas le résultat d'un choix, mais plutôt d'une quête spirituelle, déclare Fabrice Blée, chargé de cours à l'Université de Montréal: "C'est bien la vie qui m'a mené, moi, missionnaire de l'Evangile, à la rencontre du Zen, dans l'annonce de la bonne nouvelle aux Japonais", complète Luciano Mazzochi.
§50% chrétien, 50% bouddhiste?Nombre de chrétiens ne regardent plus leur tradition religieuse comme la seule vraie, à l'exclusion de toute autre. Il est généralement admis à notre époque que les différentes religions constituent des portes d'entrée vers une Réalité Ultime unique et que chacune avec ses concepts, ses pratiques et ses émotions propres, trace de voies d'accès particulières au divin offrant ainsi au "pèlerin" une conscience plus aiguë des divers chemins menant vers Dieu. S'identifier à plusieurs traditions apparaît préférable à un choix porteur d'exclusion.
Pour autant, rappelle Jacques Scheuer, professeur à l'Université de Louvain, la double appartenance religieuse ne signifie pas de devenir chrétien à 50% et bouddhiste à 50%, mais de s'exposer à une autre tradition, sans quitter sa tradition propre, en acceptant de se laisser affecter et remettre en cause par elle. "Il s'agit d'un va-et-vient, de transformations et de "conversions" successives". Par ailleurs, personne ne fait état de rejet du christianisme consécutif au contact avec une autre tradition religieuse. Loin s'en faut. La double appartenance semble plutôt permettre un regard neuf sur le message chrétien et la possibilité d'en redécouvrir les richesses spirituelles et théologiques. "Ma recherche m'a ramenée aux racines de la tradition chrétienne et j'ai dû réapprendre ma propre tradition", relève Ursula Baatz, enseignante à l'Université de Vienne.
§Se débarrasser de préjugésInvités à commenter le phénomène, les spécialistes qui s'expriment dans "Vivre de plusieurs religions: Promesse ou illusion" soulignent la satisfaction de celles et ceux qui trouvent dans la double appartenance religieuse sens et harmonie, en même temps que l'occasion de se débarrasser de préjugés et de perspectives trop étroites.
Le théologien genevois Jean-Claude Basset établit un parallèle avec le bilinguisme ou la double nationalité généralement perçus comme favorables à l'épanouissement: "Pourquoi, ce qui est bon dans le domaine culturel et politique serait-il exclu dans le domaine religieux?".
Quant à Bernard Senécal, spécialiste du Zen, il reste stupéfait devant la facilité à franchir les frontières religieuses des nombreux hindous sympathisants du christianisme qui n'hésitent pas à participer au rite de l'Eucharistie. A l'image aussi du Mahatma Gandhi qui n'a jamais eu de peine à se référer à Jésus et aux Evangiles tout en restant hindou. Mais Senécal se dresse contre les tentatives de synthèse de deux religions: "Tout comme l'on ne saurait avoir deux langues maternelles, il paraît impossible de fonder son identité religieuse sur plus d'un centre de gravité. Vouloir construire de toutes pièces une nouvelle langue plus universelle à partir d'autres langues déjà existantes risque fort de produire un résultat déconnecté de la réalité". L'effort envisagé par certains pour unifier les enseignements de Bouddha et du Christ ferait ainsi perdre de vue que chaque tradition possède son langage, ses symboles propres et une part de cohérence qui ne se retrouve nul part ailleurs. "On ne saurait entrer dans l'universel que par une porte déterminée", termine Bernard Sénécal.
§Vivre de plusieurs religions: promesse ou illusion?, sous la direction de Jacques Scheuer et Dennis Gira, Editions de l'Atelier.
§50% chrétien, 50% bouddhiste?Nombre de chrétiens ne regardent plus leur tradition religieuse comme la seule vraie, à l'exclusion de toute autre. Il est généralement admis à notre époque que les différentes religions constituent des portes d'entrée vers une Réalité Ultime unique et que chacune avec ses concepts, ses pratiques et ses émotions propres, trace de voies d'accès particulières au divin offrant ainsi au "pèlerin" une conscience plus aiguë des divers chemins menant vers Dieu. S'identifier à plusieurs traditions apparaît préférable à un choix porteur d'exclusion.
Pour autant, rappelle Jacques Scheuer, professeur à l'Université de Louvain, la double appartenance religieuse ne signifie pas de devenir chrétien à 50% et bouddhiste à 50%, mais de s'exposer à une autre tradition, sans quitter sa tradition propre, en acceptant de se laisser affecter et remettre en cause par elle. "Il s'agit d'un va-et-vient, de transformations et de "conversions" successives". Par ailleurs, personne ne fait état de rejet du christianisme consécutif au contact avec une autre tradition religieuse. Loin s'en faut. La double appartenance semble plutôt permettre un regard neuf sur le message chrétien et la possibilité d'en redécouvrir les richesses spirituelles et théologiques. "Ma recherche m'a ramenée aux racines de la tradition chrétienne et j'ai dû réapprendre ma propre tradition", relève Ursula Baatz, enseignante à l'Université de Vienne.
§Se débarrasser de préjugésInvités à commenter le phénomène, les spécialistes qui s'expriment dans "Vivre de plusieurs religions: Promesse ou illusion" soulignent la satisfaction de celles et ceux qui trouvent dans la double appartenance religieuse sens et harmonie, en même temps que l'occasion de se débarrasser de préjugés et de perspectives trop étroites.
Le théologien genevois Jean-Claude Basset établit un parallèle avec le bilinguisme ou la double nationalité généralement perçus comme favorables à l'épanouissement: "Pourquoi, ce qui est bon dans le domaine culturel et politique serait-il exclu dans le domaine religieux?".
Quant à Bernard Senécal, spécialiste du Zen, il reste stupéfait devant la facilité à franchir les frontières religieuses des nombreux hindous sympathisants du christianisme qui n'hésitent pas à participer au rite de l'Eucharistie. A l'image aussi du Mahatma Gandhi qui n'a jamais eu de peine à se référer à Jésus et aux Evangiles tout en restant hindou. Mais Senécal se dresse contre les tentatives de synthèse de deux religions: "Tout comme l'on ne saurait avoir deux langues maternelles, il paraît impossible de fonder son identité religieuse sur plus d'un centre de gravité. Vouloir construire de toutes pièces une nouvelle langue plus universelle à partir d'autres langues déjà existantes risque fort de produire un résultat déconnecté de la réalité". L'effort envisagé par certains pour unifier les enseignements de Bouddha et du Christ ferait ainsi perdre de vue que chaque tradition possède son langage, ses symboles propres et une part de cohérence qui ne se retrouve nul part ailleurs. "On ne saurait entrer dans l'universel que par une porte déterminée", termine Bernard Sénécal.
§Vivre de plusieurs religions: promesse ou illusion?, sous la direction de Jacques Scheuer et Dennis Gira, Editions de l'Atelier.