Des chrétiens redécouvrent le sabbat
27 octobre 2000
Central dans la religion juive, le sabbat compte aussi des adeptes chez les chrétiens qui le voient comme une pratique salutaire pour rompre avec l'hégémonie du travail, la frénésie des loisirs, et pour opérer un véritable ressourcement intérieur
Ce repos obligatoire cher aux juifs pratiquants permet de redécouvrir que l'on existe indépendamment de ce que l'on produit."Il y a deux ans, j'ai dû prendre une dizaine de jours de congé-maladie pour surmenage. Ca a été l'amorce d'une prise de conscience". Cette expérience d'épuisement professionnel a conduit le pasteur vaudois Pierre Campiche à s'intéresser au sabbat. En s'octroyant des moments de liberté dans le cadre d'un horaire de travail réduit, il a adopté l'idée d'un repos obligatoire cher aux juifs pratiquants. Il le consacre à des balades en montagne, à visiter des monastères, à écrire des poèmes ou à jouer de la musique: "J'essaie surtout de faire mien l'esprit du sabbat qui consiste à abandonner pour un temps ses affaires, à cesser d'y penser, même s'il reste des tâches urgentes à accomplir. Se "dépréoccuper" de son travail comme l'exige le sabbat, c'est une question d'hygiène mentale".
Diacre dans la région vaudoise de la Venoge, Catherine Chapuis s'est engagée dans la même démarche: "Je cherche dans la tradition juive du sabbat un vrai repos que j'ai de la peine à trouver régulièrement. Certains dimanches passés en famille ou à exercer différentes activités ne sont pas toujours source de repos! De plus en plus, je m'efforce de ne rien prévoir le dimanche après-midi pour pouvoir me ressourcer, me reconstruire. Dans la notion de sabbat, je souhaite explorer la possibilité de poser pendant quelques heures tout ce qui me charge et me préoccupe, afin de me sentir vivre plus librement et découvrir une meilleure qualité de vie".
§Né pour le reposMais cette aspiration est-elle légitime à l'heure où tout un chacun est sommé de s'investir à fond dans ses tâches professionnelles et domestiques? A l'heure aussi où le repos apparaît comme un concept négatif, à telle enseigne que la moindre pause prise sur le labeur suscite la mauvaise conscience. Relisant la Bible, le pasteur zurichois d'origine chilienne Pedro Carrasco estime qu'il n'y a pas lieu de se culpabiliser. Tout au contraire: "Les hommes ont commencé leur existence par un jour de repos. Dans la Genèse, Dieu crée l'humain le sixième jour, et de suite, lui octroie un jour de repos ce premier sabbat du calendrier. L'humanité a donc entamé sa carrière non pas par l'activité, mais par l'inactivité. Le sabbat vient nous rappeler que nous existons indépendamment de ce que nous produisons".
§Enjeu de sociétéAnimée par une semblable conviction, la théologienne vaudoise Yolande Boinnard anime des retraites et séminaires sur le sabbat et a signé une vaste recherche universitaire sur la question. Pour elle, le sabbat constitue un véritable enjeu de société qui dépasse la simple possibilité matérielle d'observer, pour ceux qui le souhaitent, un repos sabbatique ou dominical. Ce repos reflète une échelle de valeurs qui doit s'incarner dans l'ensemble des décisions économiques: "Le Sabbat heurte de front une certaine vision de l'économie et une certaine image de l'être humain qui ne se réduit pas à sa force de travail et peut faire de son temps autre chose que de l'argent. Le Sabbat appelle une révolution des mentalités autant que des sociétés".
§Une cure de sabbatEt Yolande Boinnard d'appeler de ses vœux l'avènement d'une culture sabbatique qui laisse le temps à chacun de cultiver le plaisir d'être à travers la myriade d'activités conférant de la saveur à l'existence, vie associative, entraide, cultiver les liens de famille et d'amitié, écrire, lire, chanter, créer, faire la sieste au soleil, flâner. L'objectif est de se détacher du labeur qui peut rendre dépendant par les perspectives de pouvoir, de créativité et d'accomplissement personnel qu'il offre. "Le Sabbat est une protection contre la boulimie d'activités, une véritable cure de désintoxication", insiste Yolande Boinnard. Mais prendre ses distances par rapport au travail ne serait-ce que pour 24 heures n'est pas chose aisée. Cela demande d'avoir confiance en l'avenir pour ne pas voir resurgir la peur de manquer, le sens hypertrophié des responsabilités, le goût du pouvoir ou le désir de toute puissance.
"Il est bon qu'aujourd'hui, les chrétiens fassent sabbat le dimanche", conclut Yolande Boinnard, qui recommande de temps à autre une "cure de sabbat" dans un lieu offrant à la fois l'espace, la paix et le silence.
Diacre dans la région vaudoise de la Venoge, Catherine Chapuis s'est engagée dans la même démarche: "Je cherche dans la tradition juive du sabbat un vrai repos que j'ai de la peine à trouver régulièrement. Certains dimanches passés en famille ou à exercer différentes activités ne sont pas toujours source de repos! De plus en plus, je m'efforce de ne rien prévoir le dimanche après-midi pour pouvoir me ressourcer, me reconstruire. Dans la notion de sabbat, je souhaite explorer la possibilité de poser pendant quelques heures tout ce qui me charge et me préoccupe, afin de me sentir vivre plus librement et découvrir une meilleure qualité de vie".
§Né pour le reposMais cette aspiration est-elle légitime à l'heure où tout un chacun est sommé de s'investir à fond dans ses tâches professionnelles et domestiques? A l'heure aussi où le repos apparaît comme un concept négatif, à telle enseigne que la moindre pause prise sur le labeur suscite la mauvaise conscience. Relisant la Bible, le pasteur zurichois d'origine chilienne Pedro Carrasco estime qu'il n'y a pas lieu de se culpabiliser. Tout au contraire: "Les hommes ont commencé leur existence par un jour de repos. Dans la Genèse, Dieu crée l'humain le sixième jour, et de suite, lui octroie un jour de repos ce premier sabbat du calendrier. L'humanité a donc entamé sa carrière non pas par l'activité, mais par l'inactivité. Le sabbat vient nous rappeler que nous existons indépendamment de ce que nous produisons".
§Enjeu de sociétéAnimée par une semblable conviction, la théologienne vaudoise Yolande Boinnard anime des retraites et séminaires sur le sabbat et a signé une vaste recherche universitaire sur la question. Pour elle, le sabbat constitue un véritable enjeu de société qui dépasse la simple possibilité matérielle d'observer, pour ceux qui le souhaitent, un repos sabbatique ou dominical. Ce repos reflète une échelle de valeurs qui doit s'incarner dans l'ensemble des décisions économiques: "Le Sabbat heurte de front une certaine vision de l'économie et une certaine image de l'être humain qui ne se réduit pas à sa force de travail et peut faire de son temps autre chose que de l'argent. Le Sabbat appelle une révolution des mentalités autant que des sociétés".
§Une cure de sabbatEt Yolande Boinnard d'appeler de ses vœux l'avènement d'une culture sabbatique qui laisse le temps à chacun de cultiver le plaisir d'être à travers la myriade d'activités conférant de la saveur à l'existence, vie associative, entraide, cultiver les liens de famille et d'amitié, écrire, lire, chanter, créer, faire la sieste au soleil, flâner. L'objectif est de se détacher du labeur qui peut rendre dépendant par les perspectives de pouvoir, de créativité et d'accomplissement personnel qu'il offre. "Le Sabbat est une protection contre la boulimie d'activités, une véritable cure de désintoxication", insiste Yolande Boinnard. Mais prendre ses distances par rapport au travail ne serait-ce que pour 24 heures n'est pas chose aisée. Cela demande d'avoir confiance en l'avenir pour ne pas voir resurgir la peur de manquer, le sens hypertrophié des responsabilités, le goût du pouvoir ou le désir de toute puissance.
"Il est bon qu'aujourd'hui, les chrétiens fassent sabbat le dimanche", conclut Yolande Boinnard, qui recommande de temps à autre une "cure de sabbat" dans un lieu offrant à la fois l'espace, la paix et le silence.