Un Romand chez les Amish, dans un monde sans électricité et sans violence
23 août 2000
Jacques Légeret sort ces jours-ci un ouvrage sur "L'énigme amish", fruit de quinze ans de compagnonnage qui lui ont permis de mieux connaître cette communauté américaine pieuse et rurale, qui refuse l'électricité publique mais pas forcément tout progrès, roule en carriole attelée, parle un dialecte proche du bernois, porte chapeau noir ou bonnet d'organdi et refuse toute aide de l'Etat
Si l'étranger n'est que rarement invité dans les familles amish, le Vaudois y est régulièrement accueilli. C'est son fils David, gravement handicapé, qui a servi de sésame pour gagner la confiance de cette communauté écolo avant la lettre et qui ne capitule
(Choix important de photos à disposition chez Jacques Légeret, tél. 021/791.18.64-jlegeret@worldcom.ch)
pas devant la modernité."Ce livre est une sorte de droit de réponse que nous devons à nos amis amish, histoire de corriger un certain nombre d'idées fausses et folkloriques sur leur compte", explique d'emblée Jacques Légeret qui a abandonné son métier de journaliste pour se consacrer à son fils souffrant de graves handicaps. En séjour à Philadelphie pour faire soigner son fils, alors âgé de quatre ans, le journaliste et sa femme Catherine ont gagné la sympathie d'une famille amish. L'enfant handicapé, considéré par les Amish comme "un enfant spécial de Dieu", a servi de lien. Le fait que ses parents l'aient gardé à la maison malgré ses lourds handicaps, a paru tout naturel aux Amish et a forcé leur sympathie.
De séjour en séjour, le journaliste a peu à peu découvert cette société résolument non-violente qui ignore la compétition, cultive l'humilité et la solidarité et dont les gestes quotidiens et les coutumes perpétuent le mode de vie de leurs ancêtres anabaptistes venus de Suisse, d'Alsace et de des Pays Bas au dix-huitième siècle.
§Pas une secte"Les Amish ne sont pas une secte, tient à préciser d'emblée Jacques Légeret, du moins pas selon la définition donnée récemment par Pierre Ducrey, recteur de l'Université de Lausanne". L'auteur a pénétré les milieux amish de L'0rdre Ancien qui a gardé des principes moraux très stricts, rejette l'usage de l'électricité dans les maisons et la possession de voitures, ne tolère le téléphone que dans une cabane au fond du jardin et cultive l'humilité et la soumission. Ses membres ont choisi la voie "droite mais très étroite" décrite dans les Ecritures plutôt que le chemin facile du monde moderne. Ils vivent éloignés du monde et de ses compromissions, ont renoncé à toute ambition sociale et individuelle, aux études secondaires, quittent l'école à quatorze ans pour se tourner vers l'agriculture ou des métiers artisanaux. "La chasse à l'orgueil est permanente chez les gens simples (plain people), explique l'auteur qui relève l'art du compromis des Amish qui font un usage sélectif de la technologie moderne. Si la communauté se passe de l'électricité dans les maisons, elle accepte par contre les lampes de poches ou le courant produit par un moteur à diesel par exemple. Les Amish acceptent de monter dans une voiture, à condition qu'elle soit conduite par un "Anglais". Ils ne refusent pas les soins médicaux de pointe.
Jacques Légeret tient à préciser que les Amish ne vivent pas en autarcie ni regroupés dans des villages comme les Indiens dans les réserves. Il n'est donc pas possible de visiter des villages amish, hormis les reconstitutions destinées aux touristes et financées par les offices du tourisme soucieux d'exploiter le filon. Les femmes qui tiennent des boutiques d'objets amish ne sont que rarement des Amish, qui évitent le contact avec les gens du " monde" mais des Mennonites.
§Les Amish survivront-ils?Les communautés amish survivront-ils? L'auteur de "L'énigme amish" se montre optimiste. Les statistiques donnent un élément de réponse: En 1993, 85% des jeunes demandaient à être baptisés contre 70 % en 1970. Peu de jeunes quittent la communauté. Plus la communauté est conservatrice, plus elle a de succès auprès des jeunes Amish ont constaté des sociologues qui se sont penchés sur la question. La prise en charge sociale, affective et communautaire sécurisante pour toute la vie a un prix, beaucoup de jeunes acceptent de le payer. Par ailleurs, pour Jacques Légeret, l'excommunication pratiquée par les Amish est un instrument efficace de contrôle social qui garantit une certaine unité à la communauté et lui a permis jusqu'à maintenant de préserver son intégrité et de survivre en tant que groupement religieux et culturel indépendant. Là où la modernité a été acceptée, chez les Mennonites par exemple, l'identité culturelle originale a disparu.
Séduit par l'absence de compétition de la société amish, Jacques Légeret n'a toutefois pas été tenté de devenir amish et ses amis, qui ne font pas de prosélytisme, l'en auraient dissuadé. "J'aime trop le cinéma, le livres, les débats d'idées, je suis bien trop contaminé par le mode de vie et de penser occidental. Je respecte profondément leur vie simple qui, à première vue semble idyllique comme le bon vieux temps passé. Mais qu'on ne s'y trompe pas, elle est en réalité très dure, aussi dure que celle des paysans de chez nous autrefois, quand les familles comptaient encore huit à dix enfants".
§L'énigme amish, Jacques Légeret, éd. Labor et Fides Genève, septembre 2000.
(Choix important de photos à disposition chez Jacques Légeret, tél. 021/791.18.64-jlegeret@worldcom.ch)
pas devant la modernité."Ce livre est une sorte de droit de réponse que nous devons à nos amis amish, histoire de corriger un certain nombre d'idées fausses et folkloriques sur leur compte", explique d'emblée Jacques Légeret qui a abandonné son métier de journaliste pour se consacrer à son fils souffrant de graves handicaps. En séjour à Philadelphie pour faire soigner son fils, alors âgé de quatre ans, le journaliste et sa femme Catherine ont gagné la sympathie d'une famille amish. L'enfant handicapé, considéré par les Amish comme "un enfant spécial de Dieu", a servi de lien. Le fait que ses parents l'aient gardé à la maison malgré ses lourds handicaps, a paru tout naturel aux Amish et a forcé leur sympathie.
De séjour en séjour, le journaliste a peu à peu découvert cette société résolument non-violente qui ignore la compétition, cultive l'humilité et la solidarité et dont les gestes quotidiens et les coutumes perpétuent le mode de vie de leurs ancêtres anabaptistes venus de Suisse, d'Alsace et de des Pays Bas au dix-huitième siècle.
§Pas une secte"Les Amish ne sont pas une secte, tient à préciser d'emblée Jacques Légeret, du moins pas selon la définition donnée récemment par Pierre Ducrey, recteur de l'Université de Lausanne". L'auteur a pénétré les milieux amish de L'0rdre Ancien qui a gardé des principes moraux très stricts, rejette l'usage de l'électricité dans les maisons et la possession de voitures, ne tolère le téléphone que dans une cabane au fond du jardin et cultive l'humilité et la soumission. Ses membres ont choisi la voie "droite mais très étroite" décrite dans les Ecritures plutôt que le chemin facile du monde moderne. Ils vivent éloignés du monde et de ses compromissions, ont renoncé à toute ambition sociale et individuelle, aux études secondaires, quittent l'école à quatorze ans pour se tourner vers l'agriculture ou des métiers artisanaux. "La chasse à l'orgueil est permanente chez les gens simples (plain people), explique l'auteur qui relève l'art du compromis des Amish qui font un usage sélectif de la technologie moderne. Si la communauté se passe de l'électricité dans les maisons, elle accepte par contre les lampes de poches ou le courant produit par un moteur à diesel par exemple. Les Amish acceptent de monter dans une voiture, à condition qu'elle soit conduite par un "Anglais". Ils ne refusent pas les soins médicaux de pointe.
Jacques Légeret tient à préciser que les Amish ne vivent pas en autarcie ni regroupés dans des villages comme les Indiens dans les réserves. Il n'est donc pas possible de visiter des villages amish, hormis les reconstitutions destinées aux touristes et financées par les offices du tourisme soucieux d'exploiter le filon. Les femmes qui tiennent des boutiques d'objets amish ne sont que rarement des Amish, qui évitent le contact avec les gens du " monde" mais des Mennonites.
§Les Amish survivront-ils?Les communautés amish survivront-ils? L'auteur de "L'énigme amish" se montre optimiste. Les statistiques donnent un élément de réponse: En 1993, 85% des jeunes demandaient à être baptisés contre 70 % en 1970. Peu de jeunes quittent la communauté. Plus la communauté est conservatrice, plus elle a de succès auprès des jeunes Amish ont constaté des sociologues qui se sont penchés sur la question. La prise en charge sociale, affective et communautaire sécurisante pour toute la vie a un prix, beaucoup de jeunes acceptent de le payer. Par ailleurs, pour Jacques Légeret, l'excommunication pratiquée par les Amish est un instrument efficace de contrôle social qui garantit une certaine unité à la communauté et lui a permis jusqu'à maintenant de préserver son intégrité et de survivre en tant que groupement religieux et culturel indépendant. Là où la modernité a été acceptée, chez les Mennonites par exemple, l'identité culturelle originale a disparu.
Séduit par l'absence de compétition de la société amish, Jacques Légeret n'a toutefois pas été tenté de devenir amish et ses amis, qui ne font pas de prosélytisme, l'en auraient dissuadé. "J'aime trop le cinéma, le livres, les débats d'idées, je suis bien trop contaminé par le mode de vie et de penser occidental. Je respecte profondément leur vie simple qui, à première vue semble idyllique comme le bon vieux temps passé. Mais qu'on ne s'y trompe pas, elle est en réalité très dure, aussi dure que celle des paysans de chez nous autrefois, quand les familles comptaient encore huit à dix enfants".
§L'énigme amish, Jacques Légeret, éd. Labor et Fides Genève, septembre 2000.