Constituante vaudoise: quelles relations entre les Eglises et l'Etat?
Les six commissions chargées de rédiger la nouvelle constitution vaudoise ont dévoilé leur rapport. Dans le domaine des relations Eglises-Etat, l'Eglise évangélique réformée et l'Eglise catholique sont mises sur un pied d'égalité. Elles obtiennent toutes deux le statut d'institutions de droit public. La communauté juive est reconnue d'intérêt public, et la porte s'ouvre à la reconnaissance d'autres communautés religieuses présentes dans le canton.
Les constituants de la commission "Rôles, tâches de l'Etat, finances" ont tenu à conserver un lien entre l'Eglise et l'Etat. Ce lien se justifie du fait que les Eglises assument plusieurs fonctions nécessaires à l'ensemble de la communauté, production de sens, transmission de valeurs fondamentales, instances critiques, lien social. Pour toutes ces activités favorisant le bien commun, la commission souhaite que les Eglises bénéficient d'un soutien financier de l'Etat. Il s'agit aussi d'éviter que les Eglises deviennent trop dépendantes de bailleurs de fonds privés, ou qu'il se crée des ghettos religieux.
§Protestants et catholiques à égalitéDans un second temps, et en se fondant sur l'héritage du passé, la commission reconnaît à l'Eglise évangélique réformée (EERV) et à l'Eglise catholique un statut identique d'institutions de droit public. A des degrés divers, en effet, elles ont toutes deux imprégné les mentalités du canton et contribué à modeler son identité. De plus, elles offrent à la population le même type de services. D'où la volonté des constituants de les reconnaître de façon identique.
En ce qui concerne L'EERV, il s'ensuit une modification majeure: le renoncement au titre d'institution nationale et à son lien privilégié avec l'Etat: "Le virage est important par rapport aux 400 ans qui nous ont précédés, commente le pasteur Pierre Farron, membre de la commission chargée des relations Eglises-Etat. Mais les temps ont changé. L'Eglise est plus que jamais un service public dans le meilleur sens du terme, ouverts à toutes personnes habitant dans le canton, mais aussi aux personnes en situation précaire". Si l'Eglise protestante perd sa prérogative, elle acquiert en revanche une plus grande indépendance: "Ne faisant plus partie de l'Etat, elle peut se sentir plus libre dans son travail et ses prises de position", poursuit Pierre Farron. Quant aux ministres, ils deviennent des employés de l'Eglise, même s'ils continuent d'être rémunérés par l'Etat.
§Nouveau mode de financementSur le plan du financement, le rapport de la commission prévoit que la somme dévolue par l'Etat à chaque Eglise ne s'effectuera plus au prorata du nombre de leurs membres, mais d'après les prestations offertes aux habitants du canton. A intervalles réguliers, les Eglises devraient ainsi dresser une liste de tous les postes nécessaires à leur fonctionnement, d'entente avec l'Etat: "Pour l'Eglise catholique ce sera l'occasion de repenser sa pastorale, relève Anne-Marie Bolinger, présidente du sous-groupe Eglise-Etat, et chrétienne engagée dans l'Eglise catholique. Nous ne ferons pas l'économie d'un vaste débat de fond pour définir les missions prioritaires que nous demanderons à l'Etat de subventionner".
§Israélites reconnusA côté des deux grandes Eglises historiques, la commission a voulu ouvrir la porte aux autres communautés religieuses implantées dans le canton. A cet effet, elle a créé le concept d"institution d'intérêt public". Pour obtenir cette reconnaissance, une Eglise doit en faire la demande et témoigner de son engagement en faveur de la paix sociale et religieuse, fonctionner de manière démocratique et se soumettre à l'exigence de transparence financière. La communauté israélite, qui remplit tous ces critères, obtient d'emblée ce statut d'"institution d'intérêt public": "Cette reconnaissance morale nous est très précieuse, souligne Marcel Cohen-Dumani, délégué radical à la Constituante, et membre de la communauté israélite. Elle traduit la grande ouverture d’esprit qui règne dans le canton de Vaud en matière religieuse. A terme, je pense que ce nouveau statut permettra également une meilleure intégration des autres communautés religieuses".
§Echec à la séparationQuand la Constituante a inauguré ses travaux il y a neuf mois, l'hypothèse d'une séparation de l'Eglise et de l'Etat semblait loin d'être utopique. Les partisans de cette option n'ont d'ailleurs pas ménagé leurs efforts: "On met en avant le rôle des Eglises dans le domaine de l'aide sociale, explique Yves Goël, constituant rattaché au groupe des Verts. Mais elles ne sont pas les seules, et les ecclésiastiques ne font pas des études de théologie pour accomplir ce type de tâche. A mon avis, seule la séparation est à même d'assurer l'indépendance réelle des Eglises, et de leur insuffler un surcroît de dynamisme". Des arguments qui n'ont pas eu l'écho attendu. "Je crois que la majorité de la commission a bien compris que la préservation du lien Eglise-Etat est finalement bénéfique aux deux partenaires", termine Anne-Marie Bolinger.