Publicité: les frasques de Desmond Tutu
27 juin 2000
La Winterthur Assurance vient de publier dans la presse suisse et internationale une publicité pour le moins surprenante
On y voit Desmond Tutu mains jointes, comme s'il priait, disant les dangers encourus pour sa foi : "Bien sûr, la foi est un risque, mais je ne me risquerais pas à vivre sans". Outre le mélange hasardeux entre commerce et foi, quelle mouche a piqué le Prix Nobel de la paix de prêter son image à un établissement d'assurances appartenant au Crédit suisse, banque qui a fait des affaires florissantes en Afrique du Sud du temps de l'apartheid?Si l'ancien archevêque du Cap a déjà participé à des opérations publicitaires, il s'est jusqu'à présent limité à des campagnes caritatives contre le SIDA, le cancer, la pauvreté. Ici, outre l'absence de message pour une cause humanitaire, Desmond Tutu s'associe à une compagnie d'assurance appartenant au groupe bancaire Crédit Suisse, qui a massivement investi en Afrique du Sud du temps de l'apartheid. "Cette publicité ne signifie pas que j'approuve la politique présente ou passée des banques, explique Desmond Tutu. De plus, j'ignorais tout des liens entre la Winterthur et le Crédit Suisse. "Impossible, rétorque Daniele Isenegger, chef de la communication de la Winterthur. La mention "Crédit Suisse" figure sur tous les contrats".
Au siège de l'entreprise, on dit d'ailleurs posséder des contrats en bonne et due forme. On précise que Desmond Tutu s'est prêté de bonne grâce aux séances photos, à l'instar des autres vedettes recrutées pour cette campagne publicitaire, Richard Attenborough, Yehudi Menuhin, Niki Lauda, José Carrerras, Maurice Béjart, Mario Botta, Giovanni Agnelli. On rappelle aussi que la collaboration avec l'archevêque a commencé en 1998, date à laquelle il a tourné un spot télévisé pour la Winterthur.
§Vives réactionsParaissant ces jours-ci dans les médias du monde entier, la publicité suscite des réactions en Afrique du Sud. Neville Gabriel, Secrétaire de la conférence des évêques sud-africains, a annoncé son intention d'interpeller l'Eglise anglicane au sujet de "cette malheureuse situation". "Bien sûr, cela demandera beaucoup de tact". Et sans doute faudra-t-il attendre le retour définitif de Desmond Tutu au Cap agendé pour le mois de septembre. Président de la déclaration de Berne, Denis von der Weid estime que Desmond Tutu n'est pas un visionnaire sur le plan économique: "Je le connais. Comme la plupart des théologiens, il saisit mal le fonctionnement de l'économie. Je crois qu'il ne se rend pas compte que les multinationales transforment tout en marchandises, même le nom de personnalités célèbres".
Quant à Dominique Froidevaux, secrétaire de la commission Tiers-Monde de l'Eglise catholique, il souligne le manque de discernement du Prix Nobel de la Paix: "Son image ne lui appartient pas. Il est le porte-parole de valeurs qui le dépassent. Il incarne un idéal d'intégrité. Il n'a pas le droit de se faire acheter par des puissances financières". "C'est une icône", renchérit Denis Müller, professeur d'éthique à l'Université de Lausanne. Même s'il recherche de l'argent dans un but caritatif, ce qui n'est pas condamnable en soi, il existe pour lui d'autres sources de revenus que les grandes banques suisses dont l'implication en Afrique du Sud n'a de loin pas toujours été claire".
L'affaire suscite également un malaise dans les rangs de la campagne "Jubilé 2000" pour l'abolition de la dette des pays les plus pauvres: " Nous, les Eglises, continuons de demander fermement l'annulation de la dettes et l'octroi de réparations financières, mais ce genre d'affaires affaiblit notre position", s'exclame Dominique Froidevaux.
§OpportunismeReste que le plus étonnant est de voir le Crédit Suisse "récupérer" aujourd'hui l'ennemi d'hier: "Souvenons-nous que certains milieux d'affaires suisses qualifiaient la Conférence des Eglises d'Afrique du Sud présidée par Desmond Tutu de crypto-communiste, note Rudolf Renfer, secrétaire romand de l'Entraide protestante (EPER). Je suis choqué par tant d'opportunisme". Joignant le geste à la parole, l'EPER vient d'ailleurs d'expédier une lettre à la direction de la Winterthur lui demandant de soutenir des projets humanitaires en Afrique du Sud, puisqu'elle semble désormais d'accord avec Desmond Tutu. Affaire à suivre.
Au siège de l'entreprise, on dit d'ailleurs posséder des contrats en bonne et due forme. On précise que Desmond Tutu s'est prêté de bonne grâce aux séances photos, à l'instar des autres vedettes recrutées pour cette campagne publicitaire, Richard Attenborough, Yehudi Menuhin, Niki Lauda, José Carrerras, Maurice Béjart, Mario Botta, Giovanni Agnelli. On rappelle aussi que la collaboration avec l'archevêque a commencé en 1998, date à laquelle il a tourné un spot télévisé pour la Winterthur.
§Vives réactionsParaissant ces jours-ci dans les médias du monde entier, la publicité suscite des réactions en Afrique du Sud. Neville Gabriel, Secrétaire de la conférence des évêques sud-africains, a annoncé son intention d'interpeller l'Eglise anglicane au sujet de "cette malheureuse situation". "Bien sûr, cela demandera beaucoup de tact". Et sans doute faudra-t-il attendre le retour définitif de Desmond Tutu au Cap agendé pour le mois de septembre. Président de la déclaration de Berne, Denis von der Weid estime que Desmond Tutu n'est pas un visionnaire sur le plan économique: "Je le connais. Comme la plupart des théologiens, il saisit mal le fonctionnement de l'économie. Je crois qu'il ne se rend pas compte que les multinationales transforment tout en marchandises, même le nom de personnalités célèbres".
Quant à Dominique Froidevaux, secrétaire de la commission Tiers-Monde de l'Eglise catholique, il souligne le manque de discernement du Prix Nobel de la Paix: "Son image ne lui appartient pas. Il est le porte-parole de valeurs qui le dépassent. Il incarne un idéal d'intégrité. Il n'a pas le droit de se faire acheter par des puissances financières". "C'est une icône", renchérit Denis Müller, professeur d'éthique à l'Université de Lausanne. Même s'il recherche de l'argent dans un but caritatif, ce qui n'est pas condamnable en soi, il existe pour lui d'autres sources de revenus que les grandes banques suisses dont l'implication en Afrique du Sud n'a de loin pas toujours été claire".
L'affaire suscite également un malaise dans les rangs de la campagne "Jubilé 2000" pour l'abolition de la dette des pays les plus pauvres: " Nous, les Eglises, continuons de demander fermement l'annulation de la dettes et l'octroi de réparations financières, mais ce genre d'affaires affaiblit notre position", s'exclame Dominique Froidevaux.
§OpportunismeReste que le plus étonnant est de voir le Crédit Suisse "récupérer" aujourd'hui l'ennemi d'hier: "Souvenons-nous que certains milieux d'affaires suisses qualifiaient la Conférence des Eglises d'Afrique du Sud présidée par Desmond Tutu de crypto-communiste, note Rudolf Renfer, secrétaire romand de l'Entraide protestante (EPER). Je suis choqué par tant d'opportunisme". Joignant le geste à la parole, l'EPER vient d'ailleurs d'expédier une lettre à la direction de la Winterthur lui demandant de soutenir des projets humanitaires en Afrique du Sud, puisqu'elle semble désormais d'accord avec Desmond Tutu. Affaire à suivre.