Pasteurs et prêtres au garde-à-vous

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Pasteurs et prêtres au garde-à-vous

19 juin 2000
38 pasteurs et prêtres ont rejoint ce lundi 19 juin à Montana une école de capitaine aumônier
Durant trois semaines, ils apprendront à se confronter aux situations les plus diverses que réserve la vie militaire, souffrances dues à l'autorité, questions existentielles, appels au secours, voire tentatives de suicide. Quelles sont leurs motivations pour relever le défi? Comment concilient-t-ils leur foi et l'engagement militaire? Trois Romands témoignent.38 pasteurs et prêtres venus de toute la Suisse et de l'étranger ont entamé ce lundi 19 juin à Crans-Montana leur école de capitaine aumônier. Encadrés par des collègues chevronnés et des officiers de hauts rangs, ils vont acquérir une formation tous terrains leur permettant de se frotter à la variété des événements rencontrés sous les drapeaux, dont des situations dramatiques, prison, dépression, voire tentatives de suicides. Pour développer leur capacité à répondre aux problèmes personnels, souvent exacerbées par le poids de la hiérarchie et de l'autorité, ils bénéficient du savoir-faire du Service psychologique de l'armée suisse, dont certaines brochures sont distribuées aux soldats français en mission à l'étranger. De plus, ils profiteront de l'expérience du responsable protestant de l'école d'aumônier, le pasteur Antoine Reymond, qui appartient à la cellule psychologique du CHUV (Centre hospitalier universitaire vaudois) avec pour mission de prêter assistance aux victimes d'accidents graves.

§Maître-mot: l'écouteA l'évidence, les dures réalités ne rebutent pas les aspirants aumôniers: "L'envie d'accompagner dans les moments difficiles est viscérale chez un homme d'Eglise, note le pasteur Martin Burkhard, et la dimension sociale omniprésente dans notre métier". Pour Antoine Reymond, le maître-mot est l'écoute: "Pendant un cours de répétition, j'ai été appelé auprès d'un homme qui se débattait depuis cinq ans avec le même problème, sans jamais trouver quiconque disposé à l'entendre. Il m'a été grandement reconnaissant de l'avoir écouté. Par sa simple disponibilité, un aumônier peut déjà faire beaucoup de bien".

L'écoute bienveillante et inconditionnelle est d'autant plus nécessaire que L'Eglise n'a pas toujours une bonne image. Il arrive que des personnes ayant mal vécu leur catéchisme ou leurs études dans une école religieuse manifestent leur rancoeur à la face de l'aumônier, en des termes parfois extrêmement vifs: "On n'hésite pas à nous remettre en question, à nous pousser à bout", note Antoine Reymond. A quoi s'ajoute la gouaille légendaire des soldats qui n'hésitent pas à tourner en dérision un de leurs congénères. Ainsi, pour être crédible, il vaut mieux s'efforcer de partager le quotidien des hommes: "Je recommande toujours d'effectuer une marche de nuit avec la troupe plutôt que d'arriver le matin en sentant l'after shave", explique Antoine Reymond. Et d'évoquer le régiment genevois auquel il est affecté et qui se montre irrévérencieux en diable vis-à-vis de l'Eglise. "Les hommes disent clairement leur opposition. Ils veulent la vérité sur nous. C'est dans ces moments-là qu'il faut savoir pourquoi on est pasteur ou prêtre".

§Rester ensembleL'œcuménisme constitue un autre enjeu de taille au cours de ces trois semaines d'école. L'armée manquant d'aumôniers - les besoins en effectifs ne sont couverts qu'à 60%, il n'est pas toujours possible d'avoir deux célébrations distinctes, l'une catholique, l'autre protestante. De plus, il ne serait pas souhaitable de séparer des gens qui vivent ensemble leur temps de service militaire. A charge pour le prêtre ou pasteur de service de trouver une liturgie capable de réunir les deux confessions. Cela n'est pas sans préoccuper certains ministres peu rompus à une telle pratique: "Des gens trop rigides sur le rituel finissent parfois par renoncer à devenir aumônier, poursuit Antoine Reymond. Aussi surprenant que cela puisse paraître, certains vivent ici leur premier contact réel avec l'autre confession. Nous leur présentons des cérémonies qui privilégient la parole sur les sacrements, afin d'éviter les gestes qui séparent encore, telles l'Eucharistie et la Sainte-Cène" .

§Les cœurs s'ouvrentMais la motivation principale animant les aspirants aumôniers est la possibilité d'entrer en contact avec des personnes de tous horizons dont beaucoup ne songeraient jamais à pousser la porte d'une église: "Je crois que le contexte militaire est propice à l'activité du prêtre, souligne Nicolas Glasson, vicaire à Pfaffeien, et élève de l'école de Montana. A la faveur de la fatigue, de l'effort, d'une nuit blanche, les cœurs s'ouvrent, et les gens racontent des choses essentielles. Je l'ai constaté lors des deux cours de répétition que j'ai accomplis en tant que chauffeur d'aumônier".

Quant à la difficulté à articuler la foi chrétienne et l'armée, elle ne débouche pas sur un conflits de conscience: "La Suisse n'est pas le paradis sur terre, commente le pasteur Nicolas Monnier. Comme ailleurs, on a besoin d'une armée. Je me sens solidaire de ceux qui y sont astreints. Et je pense être mieux à même de faire évoluer l'institution de l'intérieur que par l'objection de conscience ".

"L'armée suisse est une armée de légitime défense, souligne Nicolas Glasson. Dès lors, ça ne me gêne pas de la servir". Mieux, elle peut même représenter un dépaysement bienvenu pour les hommes d'Eglise se sentant à l'étroit dans les limites de leur paroisse: "Je sais que pour beaucoup de collègues, la fonction d'aumônier est un ballon d'oxygène", termine Antoine Reymond.