Des jeunes de l'est vaudois rappellent aux députés que la Suisse n'a toujours pas reconnu le génocide arménien
Les élèves du Centre d'enseignement supérieur de l'Est vaudois (CESSEV) à La Tour-de-Peilz ne lésinent pas sur les moyens pour sensibiliser l'opinion publique à la question du génocide arménien: ils envoient une lettre aux 17 conseillers nationaux vaudois pour leur demander de relancer aux Chambres fédérales la question de la reconnaissance de la tragédie arménienne de 1915 et les informer des conséquences du déni de ce massacre, vécu comme une seconde mort par les survivants et leurs descendants. Ils ont également mis sur pied une conférence de presse pour expliquer leur action et se démènent pour récolter des fonds pour la reconstruction d'une école, avec l'appui des autorités des Eglises catholiques et réformées.
§Deux millions de morts"Le génocide arménien par les Turcs, qui fit plus de deux millions de morts, est à peine mentionné dans les manuels d'histoire", explique Mélanie Zumbrunnen, 20 ans, qui, à son retour d'Arménie, devenue république indépendante en 1991, s'est plongée dans l'histoire pour rédiger un dossier qu'elle a présenté en classe." J'ai été frappée par les traces visibles encore aujourd'hui des massacres passés. Notre bus a crevé tout près d'un petit village que nous avons rejoint à pied. Nous y avons été accueillis de façon formidable. Les villageois ont tué un mouton en notre honneur. Des enfants m'ont emmenée sur une colline où se dresse un mémorial aux victimes du génocide. C'était bouleversant. J'ai vraiment réalisé la détresse psychologique de la population dont la souffrance est systématiquement niée."
Sur place, les lycéens constatent l'extrême précarité du pays. "50% de gens vivent en-dessous du seuil de pauvreté, explique Pierre Loup. L'Arménie a non seulement été dévastée par le tremblement de terre de 1988, mais elle est victime d'un blocus qui la prive d'énergie en raison du conflit dans le Haut Karabagh; elle souffre aussi de l'effondrement des secteurs économiques qui étaient liés à l'ex-URSS et qui ont tout simplement été abandonnés, comme par exemple les grandes usines métallurgiques de Spitak".
C'est une enseignante et théologienne d'origine arménienne, Monique Bondolfi, qui est l'inspiratrice de ce voyage. Après avoir participé à un premier voyage en Arménie en 1997 avec l'atelier vocal Komitas de Blonay, qui se consacre à la musique sacrée et populaire arménienne, elle s'est engagée avec une équipe dans des projets de parrainage en Arménie. Son enthousiasme a donné à Pierre Loup et Franck Le Valois, respectivement aumôniers protestant et catholique, l'idée de proposer un itinéraire arménien culturel et humanitaire aux jeunes pendant leurs vacances.
L'hébergement des jeunes Vaudois dans des familles d'étudiants arméniens qui apprennent le français leur a permis de découvrir la vraie vie des Arméniens. Ils ont visité un internat à Gumri dans le nord du pays, où grandissent des enfants abandonnés. A Gogaran, ils ont découvert avec avec stupéfaction les décombres de l'école du village qui s'est écroulée sur ses 90 élèves lors du tremblement de terre de 1988 et n'a pas été reconstruite. Les écoliers s'entassent aujourd'hui dans un cabanon dans des conditions sinistres, froid intense en hiver, humidité, manque de place, de sièges, de matériel.
De retour en Suisse, les participants au périple arménien ont décidé d'agir sur le plan humanitaire et politique en relançant la question de la reconnaissance du génocide arménien. Ils projettent déjà un second voyage pour retrouver les amis qu'ils se sont faits et mettre la main à la pâte sur le terrain.