Ecoles vaudoises: la religion fait un tabac
« Quels sont les grands principes de la religion zoroastrienne ? » « La science et la foi sont-elles compatibles ? Développez à partir de l’exemple du Suaire de Turin. » « Dans quelles circonstances précises le Coran autorise-t-il le « Jihad », la guerre sainte ? » Voici quelques-unes des questions d’examen qui pourraient être posées l’an prochain aux gymnasiens vaudois qui ont choisi l’option « Histoire et sciences des religions » dans leur cursus d’étude. Des problématiques qui semblent passionner les jeunes : 236 d’entre eux viennent de s’inscrire pour ces cours qui débuteront en août prochain. Un étudiant sur six. Un nombre de voix record, qui place l’étude des religions devant les onze autres options.
Sceptiques il y a quelques mois, certains directeurs de gymnase devront dédoubler les cours pour faire face à la demande. « Ceux qui avaient 20 ans en 1968 ont de la peine à imaginer que les jeunes puissent aujourd'hui s’intéresser à la religion », sourit François Berger, conseiller pédagogique en histoire biblique. Il faut dire que le futur enseignant de cette option a de quoi pavoiser. Dans un premier projet qui date de 1995, la religion avait purement et simplement été oubliée. Quelques téméraires, théologiens et pasteurs, avaient alors pris la plume pour manifester leur indignation. Ils savourent aujourd’hui leur victoire par les faits.
Sur les causes de cet engouement inattendu pour les religions, on cite volontiers le manque de repères de la nouvelle génération, la curiosité pour un domaine qu’elle ne connaît plus, la recherche d’alternatives au « tout matériel » ou encore, plus prosaïquement, la possibilité d’échapper aux mathématiques. Les jeunes, eux, semblent hésiter entre l’appétit de nouvelles connaissances et une recherche spirituelle plus intime (voir encadré).
Pour les initiateurs du projet, il s’agira de donner à l’élève « une culture générale et un savoir-faire interdisciplinaires permettant d’aborder les phénomènes religieux avec la plus grande rigueur intellectuelle ».
Pas question donc de faire du catéchisme au gymnase. « Le rôle de cet enseignement n’est pas d’inciter les étudiants à embrasser telle foi ou à en rejeter d’autres, souligne Ahmed Benani, maître d’histoire au gymnase de Chamblandes et président du groupe de travail « Histoire des religions » chargé par le Département vaudois de la « Formation et de la jeunesse » de mettre sur pied le programme d’études. Nous voulons au contraire pratiquer une ouverture aussi large que possible. L’objectif est de fournir aux étudiants un tableau complet des religions, des temps primitifs jusqu’aux nouveaux mouvements religieux contemporains. »
§Licenciés en théologie exclusCe souci d’une approche non confessante et scientifique de la religion, est quasiment hissé au rang de dogme. Les qualifications requises pour pratiquer cet enseignement sont soumises à une inspection pointilleuse. Les aumôniers des gymnases, pourtant rodés au contact exigeant avec les gymnasiens et qui organisent depuis des années cours et conférences sur les différentes religions du monde, n’ont pas été conviés au groupe de travail qui a élaboré le programme d’études (voire encadré).
Quant aux titres universitaires reconnus pour cet enseignement, là aussi l’instruction publique vaudoise veille : pas de licenciés en théologie. Ne sont admises que les licences ès Lettres comportant en discipline principale les sciences des religions ainsi que les licences du tout nouveau département interfacultaire de science des religions qui, pourtant, dépend en partie de la Faculté de théologie.
« Nous n’avons rien contre les théologiens explique Philippe Lavanchy, chef du service de l’enseignement secondaire et de la formation du canton de Vaud. Nous ne faisons que respecter la politique de l’Université qui propose plusieurs types de licence correspondant à plusieurs types de professions».
« Les théologiens sont les bienvenus, renchérit Ahmed Benani, mais pour intervenir dans leur propre domaine. Nous voulons éviter le piège d’un enseignement confessionnel ou partisan ».
Malgré les convoitises et les angoisses que ce nouvel enseignement suscite auprès des différents milieux intéressés, la première volée d’enseignants qui débutera les cours en août prochain provient de milieux très divers : parmi la dizaine d’élus, un ancien pasteur, un historien d'origine musulmane, un philosophe ou encore une historienne de l’art. Et par delà les querelles de clochers, une préoccupation commune : promouvoir auprès des jeunes une attitude compréhensive et critique sur l’appartenance religieuse de leurs futurs concitoyens dans une société de plus en plus marquée par le brassage des différentes croyances. Une leçon de cohabitation en somme