Les Églises de Genève se sentent diabolisées par le nouveau projet de loi sur la laïcité
Le Grand Conseil genevois pourrait débattre cette fin de semaine d’une deuxième mouture du projet de loi sur la laïcité. Et l’évolution constatée depuis le premier débat inquiète les Églises protestante, catholique romaine et catholique chrétienne de Genève. Les trois Églises historiques ont donc envoyé un courrier commun aux députés. Elles ont également présenté leur missive lors d’une conférence de presse commune. Leur constat est qu’entre les deux projets, l’état d’esprit a changé: on est passé de la reconnaissance de «l’apport des organisations religieuses à la cohésion sociale» à «une compréhension beaucoup plus restrictive du fait religieux, perçu non plus comme un apport, mais davantage comme une menace.»
«Nous ne voulons pas être sur la défensive, mais l’enjeu nous semble suffisamment important pour donner aux députés des éléments leur permettant de prendre une décision informée», prévient Emmanuel Fuchs, président de l’Église protestante de Genève (EPG). Les représentants des trois Églises ont donc présenté les services rendus à la société et à l’État. Par exemple en finançant quarante postes d’aumôneries, permettant «l’accompagnement spirituel et social des plus fragiles quelle que soit leur croyance» ou l’entretien des églises, temples et autre bâtiment religieux du canton. «Les Églises agissent en subsidiarité de l’État, mais ne sont pas reconnues comme telles», a regretté le pasteur.
Une cathédrale au service de tous, financée par les seuls protestants
L’entretien de la cathédrale représente près de 10% du budget de l’EPG et profite tant aux autorités politiques qu’au tourisme avec 400’000 entrées par an. À titre de comparaison, le château de Chillon a accueilli 405’000 personnes en 2017 et la maison Cailler 411’000. «Rien que la prime d’assurance pour la cathédrale nous coûte 72’000fr. par année alors que l’État ne contribue qu’à hauteur de 3000fr.», a cité comme exemple Éric Vulliez, directeur financier de l’EPG.
Et ce qui fâche les trois Églises historiques de Genève, c’est que ces prestations ne sont pas reconnues. «L’ancien président français Nicolas Sarkozy parlait de laïcité positive. Il s’agissait alors de ne pas considérer les religions comme un danger, mais de collaborer pour le bien de tous. C’est ce qui prévalait dans le premier projet de loi, mais cet état d’esprit a changé pour une vision beaucoup plus restrictive du fait religieux», a regretté Pascal Desthieux, vicaire épiscopal de l’Église catholique romaine de Genève (ECR).
La suppression parmi les buts de la loi de la mention «permettre aux organisations religieuses d’apporter leur contribution à la cohésion sociale», en est un exemple symbolique. Moins symbolique par contre sont la disparition à terme de la collecte par les services de l’État— contre une rétribution de 2%— de la contribution ecclésiastique volontaire et l’ajout d’un droit de préemption pour les communes et le canton sur les biens immobiliers transférés aux Églises en 1907 dans le cadre de la mise en place de la laïcité à la genevoise.
Des fidèles attachés à la contribution volontaire
Selon les Églises la contribution volontaire représente entre 25% et 50% de l’ensemble des dons. «Depuis dix ans que nous incitons nos fidèles à faire des dons plutôt que de payer la contribution volontaire, nous ne sommes parvenus à convaincre à peine 10% des fidèles à le faire», s’inquiète Dominique Pittet, secrétaire général de l’ECR. «Nous constatons qu’un certain nombre de personnes sont attachées à cette formule. Elles préfèrent participer à la vie de l’Église par ce biais-là, plutôt que de manifester un lien direct, comme ce serait le cas, par exemple avec un don.»
«Il en serait de même pour toute association privée. D’ailleurs, le projet de loi dit que: “Les communautés religieuses s’organisent selon les formes du droit privé”. Or, en vérité, l’État ne nous traite pas comme telle puisqu’il définit de manière très stricte l’utilisation que les Églises peuvent faire des biens patrimoniaux (temples, églises, presbytères)», résume le courrier adressé aux députés.
«Loin de nous l’idée de demander un traitement de faveur, mais une reconnaissance des prestations que nous fournissons à la société», résume pour sa part Emmanuel Fuchs.