Le développement durable passe par une société civile forte
«Tant en Suisse que dans les pays partenaires, la collaboration avec la société civile doit s’inscrire sur le long terme pour favoriser un climat de confiance mutuelle. Ce sont précisément les acteurs de la société civile qui portent la voix des populations pauvres ou défavorisées et qui font en sorte que l’aide de la coopération au développement leur parvienne au lieu d’être captée par quelques privilégiés», explique Magaly Henselmann, directrice de l’Entraide protestante suisse (EPER), pour la Suisse romande. Le 2 mai dernier, le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) et le Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche (DEFR) ont mis en consultation publique le projet de la coopération internationale 2021-2024 de la Suisse. Les principaux objectifs consistent en la création d’emplois dans les pays concernés, la lutte contre les changements climatiques et les causes des migrations forcées ainsi que la promotion de la paix, de l’état de droit et l’égalité des genres.
Fin juillet, l’EPER a publié sa position face à ce projet. Si elle salue les objectifs visés, elle demande que le point concernant «la promotion de la paix, l’état de droit et l’égalité des genres», soit complété dans le sens «d’un développement durable et inclusif en prévoyant la protection des droits civiques fondamentaux et le renforcement d’une société civile diverse et inclusive», souligne Magaly Henselmann. Les objectifs de développement durable sont voués à l’échec sans une implication forte de la société civile, affirme l’EPER dans un rapport publié dans le cadre d’ACT Alliance, une ONG qui réunit plus de 145 organisations et Églises à travers le monde.
«Notre rapport démontre que le rétrécissement de l’espace laissé à la société civile a des conséquences directes sur l’accomplissement des objectifs de développement durable fixés par l’ONU et adoptés par la Suisse. L’étude conclut que réduire cet espace civique a, partout, une très haute probabilité de freiner voir d’inverser les progrès en matière de réduction des inégalités, de garantie de l’inclusion et d’amélioration de la durabilité», explique la directrice de l’EPER.
Un cadre financier insuffisant
Dans sa prise de position, l’EPER critique également un cadre financier insuffisant. Pour la période 2012-2024, l’aide publique au développement correspond à 0,45% du produit intérieur brut (PIB) de la Suisse. Ce chiffre est inférieur à celui de 0,5% fixé par le Parlement et celui de 0,7% conseillé par l’ONU. «Ce choix financier aura pour conséquences de restreindre les projets que les ONG peuvent développer avec leurs partenaires locaux dans les pays où elles sont actives. C’est pourquoi, nous demandons à la Confédération de tenir ses engagements et qu’elle fasse passer à 0,7% du PIB la part allouée à la coopération internationale d’ici 2024. À long terme, il s’agira d’accroître ce taux à 1% comme la Suède, la Norvège ou encore le Danemark», souligne Magaly Henselmann.
Le projet de la coopération 2021-2024 de la Suisse a été mis en consultation publique pour la première fois. Les cantons, les partis politiques représentés aux Chambres fédérales, les communes, les villes, les organisations faîtières ainsi que d’autres cercles intéressés ont la possibilité de prendre position jusqu’au 23 août. Début 2020, le Conseil fédéral devrait adopter le message qu’il soumettra au Parlement.