Quand l’Eglise fondait son organisation féministe
Alors que la Suisse vient de voter pour la retraite des femmes à 65 ans, on peut se souvenir qu’en 1946 se tenait déjà le troisième congrès pour les intérêts féminins. Il a provoqué l’année suivante la naissance de la Fédération suisse des femmes protestantes (FSFP). «L’événement a mis en évidence qu’il existait une ligue suisse des femmes catholiques, mais pas de voix protestantes pour défendre les femmes. Les protestantes s’impliquaient dans les mouvements laïques. Une plateforme permettait d’avoir une voix protestante spécifique: les FPS sont donc nées», explique Christine Volet.
L’époque est plutôt conservatrice sur le plan théologique. «Les femmes célibataires pouvaient faire carrière, mais le statut de femme mariée signait la fin de l’indépendance sur tous les plans.» Dans ce contexte rigide, les FPS sont au contraire un espace où règne une théologie libérale. L’organisation offre «un lieu de formation, de prise de confiance en soi, pour gagner en compétence.» C’est aussi un lieu innovant d’expérimentation spirituelle, «surtout lorsqu’on considère ce qui se vit alors en Suisse». «Les protestantes et les catholiques ont par exemple géré lors de la deuxième Exposition nationale suisse du travail féminin (SAFFA) à Zurich, en 1958, un espace de spiritualité temporaire totalement féminin!» explique Christine Volet.
Durant des générations, les FPS ont assuré une formation et un apprentissage à des générations de femmes, notamment à travers des camps à Vaumarcus (NE). Avant de perdre peu à peu en influence au courant des années 1990. Explications avec Christine Volet, elle-même membre des FPS, qui a étudié les origines du mouvement dans le cadre d’un Diploma of Advanced Studies.
Pourquoi les FPS ont-elles perdu leur influence?
Dès que les femmes ont obtenu la reconnaissance dans les ministères, les associations des femmes ont en quelque sorte perdu leur raison d’être. Les groupes féministes cantonaux ou liés aux paroisses, qui contribuaient aux FPS, ont disparu. Le sujet lui-même du féminisme militant en Eglise a fait long feu. Côté romand s’est installée l’idée que les droits de la femme étaient pris en charge dans des organismes sociétaux (partis politiques, associations, bureaux de l’égalité…). Au fil du temps, la cause féminine a perdu en visibilité et en spécificité. Côté alémanique, les associations ont perduré, mais avec une vision de la femme terriblement conservatrice.
Les FPS sont-elles donc divisées aujourd’hui?
On sent une tension: certaines voix estiment que les FPS doivent simplement soutenir la position des femmes, d’autres voix pensent que l’organisation doit s’engager clairement dans le champ politique. Le problème est de savoir comment intégrer la base. Les FPS sont engagées dans des consultations politiques, mais elles ont peu de liens avec les Eglises cantonales, peu de moyens pour faire savoir ce dont elles discutent.
Quels sont les thèmes principaux traités par l’organisation aujourd’hui, et comment?
L’organisation est plus ancrée côté alémanique, où elle dispose de plus d’associations membres. Elle répond à des consultations qui concernent la position des femmes dans la société. Parmi ses thèmes de prédilection: aide aux proches aidants, égalité salariale, retraites. Ces thématiques devraient nous aider à surmonter nos divisions… Mais nous gagnerions à être plus visibles, pour devenir une véritable plateforme d’engagement politique sur laquelle les Eglises pourraient s’appuyer.
Pour en savoir plus
Femmes protestantes en Suisse: www.efs.ch