Les patients en fin de vie sont ses maîtres spirituels
Ce Noël sera peut-être leur dernier. Pour Sabine Pétermann-Burnat, il est primordial d’y apporter «un peu de lumière». Ce 17 décembre, comme à chaque Noël depuis son arrivée à la Fondation Rive-Neuve, l’accompagnante spirituelle et aumônière proposera une petite célébration musicale «en toute simplicité» aux résidents du lieu. «Il y aura aussi des chants de Noël. Les tubes. Ceux qui viennent chercher un peu de votre âme d’enfant», précise-t-elle. Puis «un somptueux repas» sera servi à toutes les personnes présentes.
Pour autant, les personnes qu’elle est amenée à fréquenter, et «surtout à écouter» dans son travail, ne sont pas toujours à la fête. Certains, alors que leur mort à venir chamboule leur être profond, ont d’ailleurs des «blessures d’Église» remontant à l’enfance. Il faut donc que l’aumônière les apprivoise un peu, notamment en les côtoyant lors des repas, pour que «le contact s’établisse». «Même les personnes qui ont refusé de me voir quand on leur a signalé ma présence peuvent ainsi changer d’avis, et demander que je vienne écouter ce qu’elles ont sur le cœur dans ce moment si particulier de leur existence.»
Formée en théologie, cette pasteure, qui collabore depuis 2021 dans l’institution de Blonay, perchée face à une imprenable vue du Léman, n’est pas une novice dans le milieu des soins. À peine âgée de 16 ans, c’est d’abord vers une carrière d’infirmière qu’elle se tourne. «J’aurais voulu être médecin, mais de lourds problèmes familiaux m’ont poussée à gagner mon indépendance», relate-t-elle. L’ancienne magistrate genevoise Sylvie Wegelin dit de son amie qu’«après cette enfance cabossée, elle a dû faire preuve d’énormément de courage et de résilience. Notamment quand, encore adolescente, elle gagnait chichement sa vie dans un hôpital comme aide-infirmière, faisant la toilette des morts.»
Journaliste à RTSreligion
Ainsi, passant outre sa «blessure de ne pouvoir faire l’université comme mes camarades», Sabine Pétermann-Burnat se lance dans le domaine de la psychiatrie et des soins généraux. Elle vit dans la région d’Orbe. «Le fait de me tourner vers les autres, dès le début de ma carrière professionnelle, a fait que je n’ai jamais eu l’impression de travailler», ajoute-t-elle, se souvenant encore de «belles années dans les soins à domicile, où le temps de visite des patients n’était pas compté comme aujourd’hui».
Pendant ce premier temps de sa carrière, Sabine Pétermann-Burnat aura ses trois enfants, Aline, Robin et Manon. Et alors que, bientôt, elle se retrouve à les élever seule, elle réussit, tout juste trentenaire, à passer un examen d’entrée pour non-porteur de maturité à l’Université de Genève. La jeune femme, très tôt marquée par la foi en Dieu, embrasse des études de théologie. «Ce que je vivais de douloureux à la maison pouvait ainsi être relativisé par ma quête de sens.» Une quête qu’elle nourrit durant sa jeunesse en fréquentant de nombreux groupes de jeunes croyants. «J’avais presque un groupe pour chaque jour de la semaine, des fondamentalistes aux plus libéraux, que j’abordais toujours avec un certain esprit critique.»
Une fois sa licence obtenue, après un temps formateur en paroisse, Sabine Pétermann-Burnat sera active sur les ondes du service public. Une période dont elle avoue volontiers qu’elle lui manque, elle qui dit avoir été «une folle de radio» depuis l’enfance. «À RTSreligion, j’ai vécu des années de grande liberté, dans les choix de mes intervenants dans l’émission «Hautes Fréquences», que j’ai eu beaucoup de plaisir à animer.»
Productrice de ce rendez-vous axé sur les spiritualités «au sens large», ainsi que des cultes radiodiffusés, Sabine Pétermann-Burnat se souvient d’avoir interviewé avec bonheur le théologien suisse Eric Fuchs, le Prix Nobel Desmond Tutu ou encore l’écrivain français Eric-Emmanuel Schmitt. «Sabine s’est également distinguée dans un reportage mené au Paraguay, dans un pays dont elle a su raconter la dictature et les complexes des blessures de mémoire», se souvient Michel Kocher, ex-directeur du département médias des Églises réformées romandes.
Angoisse chez les jeunes Vaudois
Aujourd’hui, après un court passage en paroisse, Sabine Pétermann-Burnat est aumônière du Gymnase de Burier, à La Tour-de-Peilz, en plus de son engagement à Rive-Neuve. Son défi? «Essayer d’inviter les étudiants à être en accord avec eux-mêmes.» Dans son espace d’aumônerie, qu’elle veut «ouvert tel un lieu d’échange où chacun peut rester une minute comme une heure», Sabine Pétermann-Burnat entend beaucoup d’angoisse de la part des jeunes Vaudois.
«Ils sont constamment sous pression. Celle de réussir, bien sûr, mais aussi celle de faire le bon choix, alors qu’ils sont à un carrefour de leurs études.» Une résonance évidente avec sa propre carrière, composée de plusieurs virages. «Changer d’orientation ne veut pas forcément dire que l’on s’était trompé. On peut suivre plusieurs chemins dans la vie», ajoute celle qui accompagne également certains professeurs, à leur demande. Très heureuse de sa situation professionnelle actuelle, Sabine Pétermann-Burnat trouve aussi des ressources et du calme dans le «petit chalet» de montagne où elle vit.
Bien «intégrée à l’équipe de soins» à Rive-Neuve, l’aumônière se félicite de voir sa fonction pleinement reconnue par les métiers de la santé, «où l’on croit à la dimension interprofessionnelle du soin». Reconnaissante d’être ainsi mise au contact de ces patients si profonds, elle les qualifie de «maîtres spirituels». «Je reçois autant que je donne. Au fond, je suis une privilégiée.»