Michèle Künzler: des terrains minés aux maisons encombrées

Michèle Künzler, vice-présidente du conseil de fondation de l'Entraide protestante (EPER) / EPER
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Michèle Künzler, vice-présidente du conseil de fondation de l'Entraide protestante (EPER)
EPER

Michèle Künzler: des terrains minés aux maisons encombrées

Cette ancienne conseillère d'Etat genevoise (Les Verts) est la figure romande de l'Entraide protestante suisse (EPER). Fille de brocanteurs, elle s’est également lancée comme coach en désencombrement.

«Vous voulez prendre des poires ou des coings?» C’est avec simplicité que nous accueille Michèle Künzler, à mi-chemin entre sa cuisine et son potager. Que l’on ne s’y trompe cependant pas: cette ancienne conseillère d’Etat genevoise (Les Verts), aujourd’hui vice-présidente de l’Entraide protestante suisse (EPER), est une femme «de caractère». A l’âge de 6 ans, elle claque la porte du catéchisme, «révoltée» par les propos de l’enseignante. «Elle racontait le déluge en disant que Dieu avait tué tout le monde. Je me suis alors exclamée que c’était n’importe quoi, que cette dame ne connaissait manifestement pas Dieu et que je n’y remettrais plus les pieds», retrace-t-elle.

Enfant férue de lecture, elle avait lu les Evangiles très tôt, et poursuivra dès l’âge de 10-12 ans avec «Le capital» de Karl Marx ou René Dumont, un des premiers écologistes français. «Mes parents étaient brocanteurs et possédaient un magasin de dépôt-vente. Il y avait donc toujours une montagne de livres à disposition – de fait, des ouvrages de la précédente génération», s’amuse-t-elle à constater aujourd’hui. Alors que ses parents travaillent beaucoup, la petite Michèle est laissée «assez libre»: «Toute seule, je me suis inscrite aux scouts puis à la bibliothèque des Pâquis», rapporte-t-elle.

Théologie et légumes du marché

Au moment de se choisir une formation, elle opte pour la théologie: «Je voulais en savoir plus sur la Bible et l’histoire du christianisme.» De ses études, Michèle Künzler garde en mémoire quelques difficultés à s’adapter au côté «très conformiste» du milieu et de certains professeurs en particulier. Abandonnant son cursus universitaire «juste avant la fin», elle part vendre des légumes au marché pendant dix-huit mois. «Pendant une saison, j’ai aussi confectionné et vendu des biscuits de Noël», retrace-t-elle. Son mari, rencontré à la faculté, devient pasteur. «Il travaille à mi-temps et nous élevons ensemble nos trois enfants.» C’est à cette époque qu’elle choisit de rejoindre le parti des Verts. «Je dois mon engagement à mes lectures de jeunesse, au temps passé en famille dans la nature, mais aussi à la crise pétrolière de 1973», analyse-t-elle. «Pour les enfants de ma génération, cet épisode a été marqué par la joie insensée de pouvoir skier sur la rue Voltaire et de jouer dans la rue soudain sans voitures.»

Suivra plus d’un quart de siècle d’engagement politique, qui l’amènera en 2009 à siéger au sein du Conseil d’Etat genevois, à la tête du Département de l’intérieur et de la mobilité. De ces années, elle a particulièrement aimé «la confrontation des idées», «la construction commune de solutions» et le fait de rencontrer des personnes qu’elle n’aurait «jamais croisées autrement, parce qu’on est souvent enfermé dans sa bulle sociologique».

Celle qui n’a été que la quatrième femme à être élue au Conseil d’Etat genevois évoque aussi le machisme dont elle a pu être l’objet. «Dans la presse, c’était un bashing permanent!» marque-t-elle. «Comme souvent envers les femmes, les critiques sur mes décisions politiques sont assorties de remarques désobligeantes sur mon apparence ou ma manière franche de m’exprimer. En fait, on me reprochait de ne pas rester en arrière-plan.» Elle n’en ressort que plus aguerrie: «J’aime le combat», lâche-t-elle. «Cela ne me gêne pas. C’est la suite qui a été plus dure.»

Besoins à l’international

La réinsertion professionnelle s’avère «très difficile»: «Les associations auxquelles je postulais disaient craindre que je les politise, tandis que d’autres me signifiaient qu’on n’aimait pas les femmes de pouvoir.» Petit huit ans, elle est responsable du service de la taxe professionnelle au sein d’une commune genevoise. C’est alors que tombe la proposition de rejoindre le Conseil d’administration de l’EPER. Sa mission? «Valider les projets en soutien de nos partenaires locaux.» L’œuvre protestante tient ferme en effet à sa politique de «responsabilisation», soit «de faire avec les gens concernés et ne surtout pas décider à leur place ce qui serait bon pour eux». Et ce aussi bien dans les régions touchées par la pauvreté, les catastrophes ou les conflits armés.

Si elle s’est rendue en Palestine il y a quatre ans et en Ukraine l’année passée, Michèle Künzler insiste sur le fait qu’«on ne peut se contenter d’aide d’urgence. On doit être là avant la catastrophe, pour assurer une réactivité, mais aussi après». En Cisjordanie, elle a rencontré les équipes locales, composées de juifs, de musulmans, de chrétiens et d’athées. Elle veut témoigner de «leur courage et de leur engagement» face au climat de «tension permanente» due à l’enracinement du conflit. «J’ai été ébranlée par les manifestations de haine de certains colons, y compris envers leurs propres compatriotes œuvrant en faveur de la paix», exprime-t-elle. «La haine même chez les jeunes enfants.»

Plus de vie, moins de chenit

A trois ans de la retraite, sa fibre sociale l’a entraînée dans une nouvelle aventure: devenir coach indépendante en désencombrement. «Il y a souvent beaucoup de souffrances dans les maisons qui débordent», observe-t-elle. «Une maladie, un deuil ou des histoires de violence a pu faire que la personne s’est laissée déborder ou à carrément chercher du réconfort dans des achats compulsifs.» Sa méthode? «Y aller pas à pas, en plusieurs étapes, sans brusquer les personnes.»

A ses yeux, cette activité tisse également le lien entre son engagement écologique et spirituel: «Quand on se débarrasse de l’inutile, on fait de la place pour les choses essentielles. Nous ne sommes que des pèlerins sur cette terre. Notre vraie richesse, c’est le temps et nos interactions humaines.»

EN DATES

1961 Naissance à Genève, de parents Suisses-allemands

1991 Entre au Conseil municipal de Genève

2001 Est élue députée au Grand Conseil genevois

2009 Est élue au Conseil d’Etat genevois, qu’elle quittera fin 2013.

2017 Entre au Conseil de fondation de l’EPER, dont elle devient la vice-présidente en 2020

2023 Se lance en tant que coach indépendante en désencombrement