Le dialogue entre les religions célébré par un prix

Maurice Gardiol & Eric Ackermann / J.Burri / Protestinfo / Maurice Gardiol & Eric Ackermann / J.Burri / Protestinfo
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Maurice Gardiol & Eric Ackermann / J.Burri / Protestinfo
Maurice Gardiol & Eric Ackermann / J.Burri / Protestinfo

Le dialogue entre les religions célébré par un prix

31 mai 2018
Mardi 29 mai à Berne, deux membres du comité de la Plateforme interreligieuse de Genève ont reçu le Prix du dialogue interreligieux

Un parcours dans le musée d’ethnographie de Genève à la découverte des objets du sacré, la publication en plusieurs langues de «neuf propositions pour vivre ensemble et se respecter dans la diversité religieuse», l’organisation de rallye interreligieux et une collaboration avec un module de formation de la Haute école de travail social de Genève pour aborder les questions de spiritualité avec les futurs professionnels de l’action sociale: depuis 25 ans, la Plateforme interreligieuse de Genève s’engage en faveur du dialogue interreligieux. Deux membres de son comité ont reçu mardi 29 mai à Berne en présence d’Alain Berset, président de la confédération, le Prix du dialogue des Juives et des Juifs de Suisse.

Le président de la plateforme Eric Ackermann et son trésorier Maurice Gardiol sont les deux récipiendaires de ce prix remis pour la première fois et qui récompense des «personnalités qui contribuent de manière significative à la cohésion de la société et à la paix confessionnelle dans notre pays», rappelle le communiqué des organisateurs. Côté alémanique, c’est Muris Begović, imam de Schlieren (ZH) et Noam Hertig, rabbin de Zurich qui ont été récompensés. Le prix est doté de 10’000 francs par région linguistique. Un montant qu’Eric Ackermann et Maurice Gardiol ont annoncé recevoir «au nom et pour la Plateforme interreligieuse de Genève.»

Eric Ackermann est animateur socioculturel et guide spirituel à l'EMS Les Marronniers. Il est également délégué rabbinique. Maurice Gardiol quant à lui est diacre retraité de l’Église protestante de Genève. Il préside le Conseil de l’aumônerie œcuménique des prisons. Il a consacré une partie de sa vie professionnelle dans le domaine de l’accueil des migrants et de l’intégration.

«Nous aurions préféré, Eric Ackermann et moi, que ce prix soit attribué à la Plateforme interreligieuse, plutôt qu’à nous en tant que personnes», note d’emblée Maurice Gardiol. «Nous nous inscrivons dans une démarche qui implique d’autres partenaires. Si nous avons, malgré tout accepté ce prix, c’est que nous y voyons une reconnaissance de la démarche du dialogue interreligieux par les juifs de Suisse», précise le diacre.

La force de la Suisse croît lorsque ses minorités sont renforcées
Alain Berset, président de la Confédération

La modestie est toujours de mise quand on demande au retraité de présenter le travail de la Plateforme interreligieuse. «Nous sommes une ressource possible pour les personnes et les institutions qui souhaitent approfondir la question du dialogue interreligieux», explique Maurice Gardiol. «Et l’on n’a pas le monopole! Il y a différentes structures qui sont actives sur la question du dialogue entre les cultures», précise-t-il également. Concrètement, la plateforme travaille sur différents axes: offrir une expertise au service des institutions confrontées à des questions liées à l’interreligieux, valoriser la multiplicité de la religion dans la cité, encourager la curiosité de la population pour les différentes cultures, encourager les communautés religieuses à soigner la pédagogie qu’elles mettent en œuvre quand elles accueillent des visiteurs et faire de la question du dialogue interreligieux une question engageant l’entier de la communauté et non seulement quelques responsables.

«J’en arrive de plus en plus à cette conviction que ce que nous avons vécu dans le cadre du dialogue œcuménique doit nous servir dans le dialogue interreligieux», explique Maurice Gardiol. «Bien sûr, il y a beaucoup d’obstacles. Mais même si certains disent que l’on est des naïfs et que l’on nie les difficultés, cela ne me décourage pas. Nous voyons bien tous ces problèmes, mais moi qui suis descendant de vaudois du Piémont, je me dis que s’il y a un siècle on avait dit qu’un jour un pape demanderait pardon aux vaudois, personne ne nous aurait crus!», compare le diacre. Eric Ackermann complète: «Je ne pense pas être un utopiste, je pense être un idéaliste!»

Une culture suisse magnifique, grâce aux minorités

«La force de la Suisse croît lorsque ses minorités sont renforcées», a déclaré Alain Berset, président de la Confédération lors de la cérémonie de remise du prix. «Notre pays n’a pas les attributs communs d’une nation. Nous n’avons pas de langue commune, de religion qui nous unit. C’est plutôt notre diversité et notre respect commun des institutions et du dialogue qui fait que nos minorités s’additionnent», a-t-il complété. «Notre pays ne se sent pas mis en danger par les différences culturelles, au contraire, la diversité de ce pays crée une culture magnifique.» Il s’est toutefois inquiété de voir la montée des discours haineux partout en Europe, Suisse y compris. Rappelant que le combat pour le dialogue devait être mené sans cesse. «La place accordée aux minorités est toujours un test pour un pays et pour sa démocratie. Et ce test n’est jamais fini.»

Marraine du projet «Likrat: jeunesse et dialogue» qui consiste à former des adolescents juifs afin qu’ils puissent intervenir dans des classes pour présenter leur foi, la conseillère nationale Lisa Mazzone a rappelé qu’il «suffit de peu, pour faire la peau aux préjugés».

Il faut susciter l’envie de partager

«À Genève, nous avons la chance d’avoir beaucoup de bonne volonté, je crois qu’ensemble nous pouvons faire rejaillir une espérance collective. Il faut susciter l’envie de partager», espère Eric Ackermann. «Les religions ont tendance à se replier sur elles-mêmes, cela n’a pas de sens! Je ne sais pas ce qu’est Dieu, ce que je sais, c’est que l’homme est à l’image de Dieu, donc quand je vais vers l’autre je me rapproche de Dieu», complète celui qui avoue que son engagement dans le social est lié au fait qu’il «ne peut pas concevoir la religion qu’au travers du souci de l’autre.»

«Cela va être de plus en plus une nécessité de dialoguer et de relier. Je ne sais pas quelle forme cela prendra, mais je crois que Genève est un lieu qui, de par le fait que cette démarche existe depuis plus de 25 ans, de par la présence du Conseil œcuménique des Églises et des organisations internationales, est un lieu pilote du dialogue interreligieux. Il y a un chantier formidable là devant nous», s’enthousiasme Maurice Gardiol.