Connaître les religions: un atout pour le travail social

Elvis Idrizi et Liridon Abazi ont présenté leur travail à la Plateforme interreligieuse de Genève en mai dernier. / ©Camille Andres
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Elvis Idrizi et Liridon Abazi ont présenté leur travail à la Plateforme interreligieuse de Genève en mai dernier.
©Camille Andres

Connaître les religions: un atout pour le travail social

Inédit
Dans une démarche inédite, deux jeunes travailleurs sociaux à Genève montrent que le manque de formation en matière de fait religieux pose de sérieux problèmes pour la mission sur le terrain.

C’est une démarche rare: Elvis Idrizi, 27 ans, éducateur social, et Liridon Abazi, 28 ans, animateur socioculturel, ont réalisé à Genève un travail conjoint de bachelor concernant la laïcité, au sein de la Haute Ecole de travail social. «Parole et regard d’animateurs et animatrices de maisons de quartier sur le fait religieux au sein d’un canton laïque comme Genève» est une enquête de terrain.

Elle est basée sur quatre entretiens systématiques avec des animatrices des maisons de quartier ou centres socioculturels genevois, de régions aisées et de zones en difficulté. Les questions concernent quatre dimensions: l’identité et l’appartenance de la personne, ses connaissances sur la religion et la laïcité, ses expériences quant au fait religieux, ses questionnements en situation concrète. Un canevas élaboré à partir d’une méthode de l’anthropologue Daniel Verba. «Sa pensée nous a permis de mieux comprendre le lien entre convictions religieuses et coutumes de l’autre dans le métier de travailleur social.» Mais le vécu des deux auteurs procure encore plus d’authenticité à leur étude.

Frein à l’intégration

Elvis Idrizi est né d’une maman catholique portugaise et d’un papa kosovar musulman. Il a grandi dans une famille d’accueil protestante suisse à Genève. «Ado, j’allais souvent à la maison de quartier des Avanchets. Et la religion était un objet de discussion en raison de la diversité culturelle de mon quartier. Je n’étais pas à l’aise pour en parler. Ce manque de repères a été un frein à mon intégration dans certains groupes», se souvient l’éducateur.

Né en Macédoine, arrivé en Suisse à 13 ans, Liridon Abazi a «baigné dans un environnement familial musulman et très religieux». «Quand je suis arrivé ici, le choc culturel n’a pas été facile et ma religion m’a aidé à y faire face», explique l’animateur.

Leur réflexion est née d’un incident: «Je devais encadrer des jeunes de confession musulmane pour décorer une maison de quartier à Noël. Il y avait une crèche. Quand ils ont compris sa signification, ils n’ont pas voulu poursuivre», raconte Liridon Abazi.

Neutralité ambivalente

Comme tous les acteurs cantonaux, la Fondation genevoise de l’animation socioculturelle à Genève impose la neutralité confessionnelle et politique à ses membres sur leur lieu de travail, en vertu de la loi cantonale sur la laïcité. Pourtant, observent les deux étudiants, «le travail social à Genève tient ses racines du christianisme et reste imprégné de ses valeurs. Sans repères, un travailleur social peut se retrouver démuni face à un ou une bénéficiaire d’une autre confession, notamment musulmane».

Leur étude est sans appel: «Aucune des animatrices interrogées n’était formée, ni outillée, dans ce domaine quasi tabou. Alors que la religion est transversale au champ de l’action sociale, au même titre que le genre ou la précarité.» Des thématiques qui, elles, sont largement abordées dans la formation des travailleurs sociaux. Encore plus problématique, il arrive aux animatrices de contrevenir à la loi sur la laïcité. «Pour certains événements, elles achètent de la viande halal ou casher parce qu’elles prennent en compte les besoins du terrain. Elles anticipent les attentes des différentes populations. C’est une manière d’inclure le plus de personnes possible pour se focaliser sur des problématiques plus pertinentes selon elles.»

En conclusion, les deux chercheurs proposent notamment de former les travailleurs sociaux aux questions religieuses et d’approfondir les recherches sur le sujet. Ils envisagent d’ailleurs de les mener eux-mêmes.