Ces maladies qui font peur
«Dans un monde où il faut être jeune, beau et en bonne santé, des personnes porteuses de symptômes que l’on ne sait pas bien gérer dérangent. C’est un problème de société et les communautés paroissiales ne sont pas mieux armées pour y faire face», analyse Elisabeth Schenker, pasteure et aumônière aux Hôpitaux universitaires de Genève, en partie auprès de personnes souffrant de troubles psy. «Lorsque j’étais à mi-temps à l’hôpital psychiatrique de Genève et à mi-temps en paroisse, je pensais pouvoir créer des ponts. Mais cela a été plus difficile que je ne pensais. J’avais par exemple espéré que la paroisse, qui dispose d’un parc immobilier, loue un appartement à une personne sortant d’un séjour hospitalier: une membre du conseil de paroisse m’a répondu sèchement qu’elle ne voulait pas de gogols… J’ai été soufflée! Heureusement, l’Eglise cantonale a, elle, accepté et cela se passe très bien.»
Egalement aumônière en milieux hospitaliers, dans le canton de Fribourg, Marianne Weymann confirme: «La société a peur des troubles psy. Et les personnes concernées ont une certaine honte et la conscience d’une maladresse quant aux codes sociaux. Une maladie psychique signifie donc bien souvent une grande solitude. La participation à une vie de paroisse peut aider, car elle permet des rencontres, même si cela ne débouche pas sur une amitié profonde», relate la pasteure, ayant fait des expériences avec de telles maladies dans son entourage proche. «Les personnes stabilisées peuvent mener une vie tout à fait normale et personne n’est au courant de rien. Mais il faut savoir qu’il peut y avoir des périodes où cela va moins bien, où ces personnes sont à côté de la plaque. En paroisse, il faudrait pouvoir en parler, en s’intéressant à l’offre de cours de premiers secours en santé mentale proposée par Pro Mente Sana, en collaboration notamment avec l’Eglise évangélique réformée suisse.»
«Quand j’envoie en paroisse une personne rencontrée à l’hôpital, je vois que les greffes prennent difficilement», reconnaît la pasteure genevoise. «C’est finalement dans les lieux de passage, comme la cathédrale, que cela se passe mieux. Les personnes y rencontrent un ou une pasteur•e. Mais il leur est difficile de se sentir à l’aise dans un temple paroissial s’il y a par exemple un groupe d’accueil qui leur saute dessus tout sourire dès l’entrée, en posant des questions personnelles.»
«Malheureusement, les personnes vivant avec une maladie psy se sentent le mieux accueillies dans les communautés conservatrices: on pense là pouvoir les guérir par la prière. Or, quand cela ne fonctionne pas, les personnes se sentent encore plus jugées et rejetées», avertit Elisabeth Schenker. Avec le risque, également signalé par Marianne Weymann, «qu’on les convainque en prime de renoncer à leurs médicaments».