Un accueil inconditionnel au service de la société

Pierre-André Giavina, habitué des lieux, prend souvent ses repas à la Maison de la diaconie et des solidarités, et y donne des cours de danse. / ©Camille Andres
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Pierre-André Giavina, habitué des lieux, prend souvent ses repas à la Maison de la diaconie et des solidarités, et y donne des cours de danse.
©Camille Andres

Un accueil inconditionnel au service de la société

L'affluence
Quatre ans après son ouverture, la Maison de la diaconie et de la solidarité de Sion a pris son envol. L’oecuménisme y est une évidence, mais son financement reste un défi permanent.

Tablier vert pomme, cheveux attachés, Josette Mayoraz surveille depuis le passe-plat de la cuisine la salle du restaurant qui se remplit, en ce midi d’avril ensoleillé. Les tablées d’habitués, les solitaires qui s’installent à l’écart… Sa brigade compte sept personnes aujourd’hui, prêtes à servir comme d’habitude entre 50 et 70 repas. Bienvenue au Verso l’Alto, café social et associatif à dix minutes de la gare de Sion. Ici, pas de menu affiché longtemps à l’avance. Quand elle arrive le matin, à 7h30, Josette ouvre les frigos et compose avec ce qu’elle y trouve, des surplus provenant des commerces locaux. Rien de très sorcier pour celle qui a élevé sept enfants. «Je ne sais jamais ce que je vais trouver, mais on n’a jamais été pris de court!» Aujourd’hui, pour le prix fixe habituel, ce sera soupe de légumes, salade, riz et curry de viande, ainsi qu’une pâtisserie. En salle, Pierre-André Giavina se régale. Cet ouvrier de voirie, en partie à l’AI, fréquente l’accueil solidaire depuis des années. Il se souvient des premiers locaux, «un appartement, tout exigu, près de la gare».

Pôle de compétences

A l’époque, le concept initié par une soeur hospitalière offre un accueil et un repas chaud aux personnes venues à Sion le temps d’une journée, souvent pour des démarches administratives. Au fil des ans, des bénévoles catholiques et réformés s’investissent. Sous l’impulsion entre autres du pasteur Robert Lavanchy, une association oecuménique naît pour porter ce projet, mais aussi répondre à d’autres besoins. En octobre 2020 naît la Maison de la diaconie et de la solidarité, «pôle de compétences sur les besoins psychologiques, psychiques et sociaux», décrit Mario Giacomino, diacre et conseiller synodal de l’Eglise réformée valaisanne.

Le Covid permet une injection de fonds importante, des projets conséquents naissent alors. Certains trouvent très vite leur autonomie. Ainsi, le Verso l’Alto, qui se mue en crêperie les mercredis soir et les week-ends, est aussi un espace d’insertion qui inclut une douzaine de professionnels avec des missions très diverses: ménage, entretien, logistique, communication… «Pour ces personnes, être sur le marché du travail primaire est dur. L’emploi ici joue un rôle de stabilisation. C’est un outil au service d’un changement de situation. Le lieu permet une reconstruction dans l’esprit des communautés monastiques, où l’on intègre les compétences et les ressources de chacun, plutôt que de raisonner uniquement en termes de formation», résume Joëlle Carron, laïque consacrée, responsable de la Maison de la diaconie.

Start-up sociales

Bien des initiatives ont émergé depuis 2020: ateliers destinés aux familles les mercredis après-midi, confection de «Christmas box» durant l’Avent par des jeunes, cours de français, de couture ou de danse. Ces derniers donnés par… Pierre-André Giavina. «Danser m’a vraiment aidé à me reconstruire sur plusieurs plans», explique ce passionné qui, depuis un an, transmet chaque semaine sa passion à une demi-douzaine de personnes. Ces projets sont autant de «start-up» que la maison mère encourage et soutient, au fil des demandes et des idées qui émergent. «On est d’abord dans un accueil communautaire libre, on réoriente les personnes qui en ont besoin. Mais parfois, il n’y a pas de lieu, pas de solution pour certaines personnes. Le filet social a ses lacunes, qui fait qu’au fil des ans on crée des choses», explique Joëlle Carron. Par exemple ce cours de français destiné aux personnes en insertion professionnelle, qui répond à un réel besoin, mais dont le financement n’est pas garanti.

La Maison est aussi l’espace où se rencontrent toutes les personnes des Eglises catholiques ou protestantes impliquées dans la diaconie en Valais: soirées thématiques occasionnelles ou rencontres régulières des aumôniers et visiteurs bénévoles de prisons.

Aumôniers de la société

Dans toutes ces initiatives, bénévoles catholiques et protestants travaillent ensemble. «Cela nous paraît évident: les gens ne comprennent même pas la différence et, à vrai dire, elle leur importe peu», résume Mario Giacomino. «La dimension religieuse ne change rien pour moi», confirme Karim Nouman, 25 ans. «Je viens pour manger, je ne peux plus être chez mes parents, je n’ai pas d’entourage fixe à qui demander de l’aide, je dors parfois dehors… Ici, je trouve de l’aide quand j’en ai besoin.»

Ce qui compte, pour les équipes du lieu, c’est «l’accueil inconditionnel», résume Mario Giacomino. Pour ce diacre valaisan, l’oecuménisme comme la diaconie représentent le futur des Eglises, catholiques comme protestantes, qui voient leur rôle se transformer. «Accueillir les fragilités, les richesses, les charismes, c’est notre devenir. Nous sommes appelés à devenir des aumôniers de société», résume-t-il.

Pour l’heure, l’enjeu de la Maison de la diaconie consiste à trouver son financement. Contrairement à sa petite soeur lausannoise et réformée, Jardin divers, inaugurée en 2023, ici, aucun poste n’est financé par une institution, hormis 10% du temps de travail de la directrice des lieux et un financement annuel de 5000 fr. de l’Eglise réformée. «Notre espoir d’un financement cantonal a disparu avec l’échec récent du projet de nouvelle constitution valaisanne», résume Mario Giacomino. Il faut donc déposer des dossiers par projet, sans garantie. «Cela oblige à passer par des constructions plus ouvertes, inclure d’autres acteurs, donc parler avec tout le monde. Et défendre nos idées, ce qui est une chance, pas un handicap.» Parmi les nombreux projets pionniers de 2024, l’un consiste à renforcer le soutien aux sans-abri, qui sont plus d’un à table ce midi, de toutes les origines et générations.