«Développer des compétences pour la désescalade»

©iStock/AaronAmat
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«Développer des compétences pour la désescalade»

Désescalade
La pratique de certaines professions implique de faire l’objet d’expressions de colère. Depuis 2013, un dispositif de formation centré sur la prévention et la gestion de la violence existe aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG).

Etre infirmier, c’est être confronté à la violence?

Guerick Montmayeur

Guerick Montmayeur

Infirmier responsable d’équipe au sein du service de psychiatrie adulte des HUG

GUERICK MONTMAYEUR L’hôpital n’est plus un bastion protégé de la violence. Nous sommes à l’ère du «tout tout de suite et moi en premier». Et ce qui touche la société dans son ensemble se reflète forcément à l’hôpital. La douleur ou des troubles cognitifs sont parfois présents, pouvant augmenter la tension dans certaines situations. Malgré cela, notre mission première reste de soigner. La sécurité doit faire partie de nos préoccupations, mais elle ne doit pas prendre le dessus. En tant qu’infirmier, on doit travailler avec le risque. Il faut être vigilant, mais ne pas verser dans l’hypervigilance.

Je travaille au sein du service de psychiatrie adulte, dans une unité réservée aux admissions. Au vu des tableaux cliniques que nous rencontrons, nous sommes l’un des services où la violence est présente de manière régulière. Il faut donc développer certaines compétences pour la désescalade, par exemple. Cela ne s’apprend pas à l’école, mais sur le terrain. C’est pour cela que l’on organise le mentorat et que l’on soigne tout particulièrement l’accueil des nouveaux membres du personnel infirmier ou médical. Une formation spécifique pour la psychiatrie existe depuis 2013: elle traite de la prévention de la violence au travail. Cet aspect s’inscrit dans une volonté institutionnelle d’améliorer la sécurité aux HUG.

Pour une personne qui peut être dans une situation de souffrance ou qui peut ressentir des troubles de perception, la violence surgit quand il n’y a plus de mots. C’est pour cela qu’il faut être observateur, c’est la première qualité d’un infirmier ou d’une infirmière. Pour les patients que l’on connaît, on sait repérer certains signes. Et pour les autres, eh bien, on fait connaissance!

La cohésion du groupe des soignants est-elle importante?

Concernant le sentiment de sécurité, lorsque des actes de violence surviennent, il y a un impact sur l’ensemble de l’équipe. Ces événements abîment «l’outil de travail», peuvent démotiver, mais cela peut également mettre à mal la confiance que les patients ont dans l’institution ou leur bien-être. Nous organisons des échanges après un événement de cette nature afin de permettre aux personnes de s’exprimer, pour le groupe et en individuel. Souvent, le contrecoup d’un tel événement n’est pas immédiat, mais a lieu dans les heures ou les jours qui suivent. Nous avons un point de vigilance particulier en période de «post-événement».

C’est important de comprendre qu’une personne n’est pas violente en soi. Il y a des épisodes violents, mais pas des personnes violentes. Les auteurs sont souvent pris de remords et, une fois en post-crise, ils ne se reconnaissent pas dans ce qu’ils ont pu dire ou faire. Il faut pouvoir évoquer cela ouvertement. En psychiatrie, nous abordons tous les sujets importants pour la personne soignée. Nous évoquons la sexualité, la religion, etc. Nous essayons de mettre en lumière, avec la personne, tout ce qui peut être une ressource et tout ce qui l’empêche d’évoluer favorablement afin de proposer les meilleurs soins.

Les membres du personnel sont-ils affectés émotionnellement par ces situations?

Quand j’ai commencé à travailler comme infirmier (il y a vingt-cinq ans), on nous disait que les ennuis de la maison devaient reste au vestiaire. Je n’ai jamais été à l’aise avec cette idée et aujourd’hui on en est revenus. En tant que responsable d’équipe, je «veille» sur mon équipe. J’organise des rencontres régulières en équipe, mais également avec chacun et chacune. Notre dispositif de travail prévoit des espaces de supervision d’équipe, des séances d’analyse de la pratique. L’équipe est soutenue par la hiérarchie et nous travaillons de concert avec les services des ressources humaines. Notre attention se porte sur la prévention des risques psychosociaux.

Mais, surtout, il y a vraiment une grande solidarité entre nous. Cela permet une certaine transparence: quand un des membres de l’équipe fait part de ses limites, nous adaptons notre fonctionnement.

L’agressivité physique en augmentation constante

«Le nombre d’actes de violence à l’encontre des HUG et de leur personnel ne cesse de croître. En 2023, un millier d’agressions physiques et verbales ont été répertoriées, dont 308 évaluées comme graves. Ces dernières ont presque doublé depuis 2020 (166) et se déroulent majoritairement en psychiatrie (63%), ainsi qu’aux urgences (17%). Depuis 2018, on constate que l’agressivité physique est en augmentation constante», écrivaient en mars les Hôpitaux universitaires de Genève dans un communiqué. Pour «briser la spirale de la violence», des formations et des fiches pratiques sont proposées au personnel.