«La violence a d’importantes répercussions sur la santé»

Delphine Roulet Schwab, professeure à la Haute Ecole de santé La Source et présidente du centre de compétence «Vieillesse sans violence». / ©HES La Source
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Delphine Roulet Schwab, professeure à la Haute Ecole de santé La Source et présidente du centre de compétence «Vieillesse sans violence».
©HES La Source

«La violence a d’importantes répercussions sur la santé»

Violence
La violence est considérée par l’OMS comme un problème de santé publique depuis 2002. Ce qui signifie qu’il est possible de la prévenir et d’agir sur ses effets. Rencontre avec Delphine Roulet Schwab.

Pourquoi la violence est-elle considérée comme un problème de santé publique? Elle ne ressemble pourtant pas à une épidémie virale.

On peut considérer qu’elle relève de la santé publique parce qu’elle touche une grande proportion de la population mondiale, autour de 30% pour ce qui est des violences domestiques, par exemple. C’est un des critères de l’OMS: il ne s’agit pas d’un phénomène isolé. Aussi, on peut la qualifier ainsi parce que la violence a d’importantes répercussions sur la santé. Il y a les effets directs au niveau de la santé physique, quand il s’agit de violence physique. Mais les conséquences sont aussi indirectes, problèmes cardiovasculaires et hypertension dus au stress, impacts sur la santé mentale, dépression… Sans compter que la violence est un isolant social, et cela influe beaucoup sur la santé. Finalement, la violence est en partie prévenable. C’est pour cela qu’on peut prendre des mesures de santé publique.

Quelles sont les mesures à prendre?

On parle de prévention primaire, secondaire et tertiaire. La prévention primaire consiste à informer la population générale. Il s’agit de communiquer sur ce qu’est la violence, puisque tout le monde a ses propres représentations. Il s’agit aussi d’informer sur les ressources d’aide qui existent, et de désamorcer les croyances et les peurs à ce sujet. En prévention secondaire, des mesures spécifiques vont être mises en place auprès de groupes ou d’individus chez qui on a identifié des facteurs de risque, comme l’abus d’alcool. Finalement, la prévention tertiaire intervient quand la violence est déjà présente. On va essayer d’en diminuer les conséquences et éviter qu’elle ne se reproduise.

Beaucoup de situations relèvent de la violence ordinaire ou à bas bruit

Il n’est pas toujours simple d’identifier la violence quand elle est là, pour les principaux concernés…

Beaucoup de situations relèvent de la violence ordinaire ou à bas bruit, dans le cadre du couple ou de la famille. Il y a aussi des violences qui partent de bonnes intentions, en particulier quand il s’agit de personnes âgées, d’enfants ou de personnnes handicapées. Ce sont des formes d’abus de pouvoir ou d’infantilisation qui peuvent faire du mal, mais ne sont pas perçues comme violentes. Ces situations font beaucoup de dégâts sur la santé, elles touchent à l’estime de soi et cela a des effets à long terme. Quand on sensibilise à la violence, il faut aussi penser à ces cas moins visibles.

Si l’on parle de la violence comme d’un problème de santé, cela veut-il dire qu’on peut la guérir?

Oui, je pense. On peut certainement soigner les répercussions de la violence, les traumatismes qu’elle génère, comme on soigne les traumatismes dus à un accident de la route. Après, il est difficile de savoir quand la violence est guérie ou non. Les soignants ont des moyens d’agir, mais la guérison dépend aussi d’autres facteurs, comme le contexte, la résilience de la personne, les abus subis…

Les soins s’appliquent-ils aussi aux auteurs de violences?

Bien sûr. Dans la prévention, il existe des groupes de parole pour les hommes qui ont des tendances violentes, et des thérapies pour les auteurs. Ces offres s’adressent quasiment toutes aux hommes, d’ailleurs, et c’est un problème. On a souvent une vision stéréotypée, qui correspond aux statistiques. Mais il y a des femmes qui sont aussi auteures de violences et qui auront difficilement accès à un groupe de parole. Tout comme les hommes victimes ne peuvent pas être hébergés dans les centres d’accueil d’urgence.

Vous êtes spécialisée dans la prévention de la violence envers les aînés. Quelles particularités du phénomène dans cette classe d’âge?

Dans ces situations, la problématique de la violence se surajoute aux problèmes liés à l’âge, donc ça complexifie. Les mesures d’aide sont plutôt conçues pour les personnes jeunes et en bonne santé, et impliquent qu’on se déplace en personne. Si l’on n’y arrive pas, c’est difficile. Aussi, les aînés de plus de 80 ans ont vécu dans une société où les violences étaient plus admises qu’aujourd’hui. Ils n’en ont pas la même perception que les plus jeunes. Dans la communication avec eux, il faut en tenir compte.