Toucher le pactole…

 Toucher le pactole… / © Mathieu Paillard
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Toucher le pactole…
© Mathieu Paillard

Toucher le pactole…

Rodolphe Nozière
26 novembre 2024
Conte
Il y a bien longtemps vivait un roi puissant et riche. Il se nommait Midas.

Un soir d’orage, alors que le tonnerre grondait, un enfant vint frapper à la porte de son palais. Midas dînait avec de nombreux invités. L’un de ses serviteurs arriva dans la grande salle, accompagné d’un enfant grelottant de froid, vêtu de misérables vêtements. Midas se leva et l’accueillit chaleureusement. On lui offrit un manteau pour le réchauffer ainsi qu’une place à table.

Alors se produisit une chose merveilleuse: l’enfant fut soudain entouré d’une lumière éblouissante. Il se mit à grandir jusqu’à se changer en un homme de très grande taille, portant une tunique rouge et couronné de lierre et de feuilles de vigne. Midas et ses invités reconnurent aussitôt le dieu Dionysos, fils de Zeus. Midas se prosterna devant lui.

«Merci à toi, roi Midas. Tu m’as ouvert les portes de ton palais et tu m’as invité à ta table, dit alors Dionysos. Tu m’as accueilli bien que je sois arrivé faible et miséreux. Pour ta bonté et ta générosité, laisse-moi t’accorder un vœu.»

A ce moment-là, Midas ne sut pas quoi répondre et proposa au dieu de lui laisser trois jours pour réfléchir.

Il prit conseil auprès des membres de sa famille, puis de ses ministres. Certains lui proposèrent de demander la vie éternelle, mais ce serait faire preuve d’orgueil que de vouloir être immortel comme les dieux. D’autres lui suggérèrent de demander un royaume plus grand et plus puissant, mais cela impliquerait sans doute des guerres avec les peuples et les rois voisins. Au soir du deuxième jour, l’un de ses conseillers lui proposa une idée des plus originale.

Au matin du troisième jour, Dionysos reparut à la porte du palais, mais cette fois-ci conduisant un char tiré par des lions et vêtu de magnifiques vêtements. Le roi vint l’accueillir et se prosterna devant lui: «Puissant Dionysos, fais que je puisse changer en or tout ce que je touche!»

Dionysos se mit à rire bruyamment: «Qu’il en soit ainsi, roi Midas. Quel curieux vœu tu me demandes de t’accorder!»

Le roi convoqua aussitôt ses forgerons et leur dit de lui apporter autant de lingots de fer que possible. Lorsque la cour du palais fut remplie de piles de lingots, Midas, devant ses sujets ébahis, transforma tout cela en or resplendissant d’un simple toucher de la main. Sa richesse allait devenir légendaire.

Il transforma ensuite toutes les statues de pierre et les portes de fer de son palais en métal doré.

Mais sa joie fut de courte durée. S’il pouvait changer en or des métaux, des statues et des pièces de monnaie, il se rendit compte que désormais même sa nourriture se changeait en or dès qu’il la portait à ses lèvres. Il risquait donc de mourir de faim à cause de ce vœu.

Alors que tous se précipitaient vers lui pour changer en or pièces, armes ou même des vases, le roi hurlait de désespoir. Voyant la fin de ses jours venir si vite, il appela Dionysos, qui lui apparut de nouveau.

«Au secours, Dionysos, hurlait Midas les yeux remplis de larmes, retire-moi ce pouvoir qui va me tuer au lieu de m’apporter le bonheur.»

«Roi Midas, ainsi te voilà déjà lassé de ton nouveau pouvoir? Soit, qu’il disparaisse, mais pour cela tu devras te laver les mains dans les eaux du fleuve Pactole qui coule à quelques lieues de ta cité.»

Le roi s’empressa de se rendre au fleuve et trempa ses mains dans le courant. Alors les eaux se mirent à briller quelques instants, puis reprirent une couleur ordinaire.

Midas rentra chez lui à la fois triste et rassuré. Triste pour avoir dû renoncer à son pouvoir miraculeux et à toutes les richesses qu’il n’aurait pas, mais rassuré de de ne pas mourir de faim et de pouvoir vivre encore quelques années.