EAPPI, une présence pour apaiser les tensions

On reconnaît les volontaires d'EAPPI à leur gilet brun clair sur lequel est dessiné une colombe. / ©Sean Hawkey/COE
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On reconnaît les volontaires d'EAPPI à leur gilet brun clair sur lequel est dessiné une colombe.
©Sean Hawkey/COE

EAPPI, une présence pour apaiser les tensions

20 septembre 2018
Les faiseurs de paix 4/5
Ceux qui tentent de pacifier les relations entre Israéliens et Palestiniens viennent parfois d’ailleurs. C’est le cas des volontaires du Programme œcuménique d’accompagnement en Palestine et Israël, initié en 2002 par le Conseil œcuménique des Églises.

On les reconnaît à leur gilet brun clair sur lequel, en grand, a été dessinée une colombe. Depuis 2002, une centaine de volontaires du monde entier se rend en Israël et en Palestine chaque année pour observer ce qui s’y passe. Leur mission: accompagner Palestiniens et Israéliens dans leurs actions non violentes pour mettre fin à l’occupation, rapporter les violations des droits de l’homme et offrir une protection aux personnes.

Soutenir «une paix juste»

Un projet initié par le Conseil œcuménique des Églises au moment de la seconde Intifada. «Face aux violences, les responsables des Églises de Jérusalem nous ont appelé à soutenir leurs efforts pour une paix juste. Ils voulaient faire découvrir la réalité palestinienne à des hommes et des femmes de bonne volonté venus du monde entier. C’était pour nous l’occasion unique de montrer notre soutien par une présence sur le terrain», raconte Peter Prove, directeur de la Commission des Églises pour les affaires internationales du COE.

Se montrer pour rassurer

Un engagement très apprécié des Palestiniens, notamment à Hébron, comme l’a constaté Sofia. La Lucernoise avait quelques craintes avant d’y être postée, ayant entendu parler de cette cité de Cisjordanie comme d’un endroit particulièrement tendu. Il faut dire que la vieille ville est le cœur d’un conflit très violent entre les colons israéliens et la population palestinienne, les deux se disputant le Tombeau des Patriarches, un lieu central dans les traditions juive et musulmane. Sofia y a finalement passé trois mois entre juillet et septembre 2018 et créé des liens notamment «avec les vendeurs du marché, déserté à cause du conflit. Ils étaient soulagés de nous voir!» La mission de cette professionnelle de la santé a consisté principalement à montrer sa présence afin de rassurer. «Chaque matin, avec ma coéquipière, nous observions la manière dont les Palestiniens étaient traités au checkpoint menant au Tombeau des Patriarches. Le soir, nous nous postions sur la route par laquelle les colons s’y rendaient», explique-t-elle. La Lucernoise relate que si certains colons «hostiles et armés en permanence» suscitaient la crainte, «les soldats israéliens étaient plutôt corrects avec nous.» Lors de son travail de bénévole, Sofia a tenu à «respecter autant que possible l’esprit de neutralité de la mission. J’ai gardé tout du long un contact avec mes amis israéliens et je n’ai jamais oublié que dans ce pays, je n’étais qu’une invitée», affirme-t-elle.

Marquée «pendant des mois»

Postée à Jérusalem-Est lors de son volontariat en 2016, Maëlle, une Valaisanne, raconte quant à elle une expérience particulièrement intense. «Il s’y passe beaucoup de choses et l’attention médiatique est particulièrement soutenue, ce qui a parfois compliqué l’accès à la population», dit-elle. Du soutien aux familles dont les maisons étaient démolies par l’État israélien aux patrouilles dans la vieille ville jusqu’à l’observation du checkpoint de Qalandia trois fois par semaine, Maëlle a eu peu de temps pour souffler. «C’était passionnant, mais j’ai fini par avoir besoin de m’isoler pour écrire, faire du jogging ou simplement aller boire un café pour décompresser», dit-elle. Cette expérience qui l’a «marquée pendant des mois» lui a permis d’«apprendre à se mettre au service de l’autre, à gérer la pression et à remettre ses préjugés en question.»

Nous sommes régulièrement accusés d’être anti-israéliens alors que ce sont les politiques et les pratiques de l’occupation militaire qui nous posent problème, pas l’existence de cet État! Israël n’accepte pas le droit international humanitaire qui est pour nous une base essentielle de travail.
Peter Prove

Toujours plus de volontaires refusés

Si l’expérience semble bénéfique tant à la population palestinienne qu’aux volontaires, l’État d’Israël, lui, ne voit ni le Programme œcuménique d’accompagnement en Palestine et Israël ni le Conseil œcuménique des Églises d’un bon œil. «Nous sommes régulièrement accusés d’être anti-israéliens alors que ce sont les politiques et les pratiques de l’occupation militaire qui nous posent problème, pas l’existence de cet État! Israël n’accepte pas le droit international humanitaire qui est pour nous une base essentielle de travail», déplore Peter Prove.

Si le torchon brûle, c’est aussi parce que «l’État d’Israël nous a associés au mouvement de boycott et de désinvestissement BDS qu’il combat avec vigueur. Pourtant, le Conseil œcuménique des Églises n’approuve que le boycott des produits issus des colonies illégales, pas un boycott général», relève-t-il. Cette inimitié a des conséquences directes: depuis avril 2016, le nombre de volontaires du programme refoulés à l’aéroport international de Tel-Aviv Ben Gourion par la sécurité israélienne est à la hausse. «Cela ne représente toujours qu’une petite minorité de gens refusés, mais le nombre est assez grand pour que nous soyons très inquiets», conclut Peter Prove.