Dieu est invisible, mais il veut se révéler aux humains. Il veut se faire connaître de nous. Cette certitude habite Irénée de Lyon, auteur du II^e siècle chrétien. Or, en fin bibliste, ce Père de l’Église sait qu’«on ne peut pas voir Dieu sans mourir», comme le martèle tout l’Ancien Testament… C’est donc par d’autres biais que la manifestation de Dieu se produit. Notamment par les prophètes et les récits des «grâces» dont Dieu se sert pour accompagner son peuple. Et, dans cette progression, Dieu conduit la révélation à son degré le plus abouti en devenant lui-même humain. Par amour, Dieu a choisi de devenir un homme vivant, en Jésus, pour nous montrer sa gloire! Comme l’écrit Irénée, «la gloire de Dieu, c’est l’homme vivant»… Oui, c’est dans la vie de l’homme Jésus que Dieu a manifesté sa gloire; c’est dans l’humanité de son Fils que les humains peuvent discerner le visage de Dieu.

«Ainsi, voir Dieu ne conduit plus à la mort», explique Marie Chaieb, professeure de théologie patristique à l’Université catholique de Lyon. «Au contraire: voir Dieu dans l’homme Jésus ouvre à la vie. C’est ce que résume la formule d’Irénée: ‹La vie de l’homme, c’est la vision de Dieu.› » Et pour nous qui en sommes bénéficiaires, il s’agit d’une progression jamais achevée. Car, si, «à cause de son amour infini, le Christ est devenu ce que nous sommes», c’est pour «faire de nous pleinement ce qu’il est», comme l’écrit ailleurs Irénée. Pour l’évêque de Lyon du IIe siècle, devenir un «homme vivant», c’est donc chercher à devenir pleinement humain, à la ressemblance de Jésus, qui est lui-même l’image de Dieu… Or cela ne nous est jamais pleinement possible. «Il s’agit d’y progresser avec l’Esprit», commente Marie Chaieb. «Ce n’est pas une soumission passive, mais une marche dans la liberté… Un chemin à notre portée, sans être pour autant facile!»

Et ce développement prend la forme d’une mélodie, affirme encore Irénée de Lyon: ses notes harmonieuses ont d’abord composé l’histoire du Salut. Mais elle se poursuit à travers l’humanité qui en est bercée: à nous d’y apporter notre propre voix, pour enrichir l’harmonie jamais pleine de cette symphonie qui exige la participation active de tous les protagonistes. Voilà précisément ce qui continue de fasciner la chercheuse lyonnaise, qui travaille les textes d’Irénée de Lyon depuis un quart de siècle: «Irénée est un maître stable, qui n’attire pas à lui, mais conduit à l’Evangile. Il met le projecteur sur la foi pour consolider les fidèles et les conduire toujours davantage à la ressemblance de ce Dieu qui a choisi de se faire connaître en devenant lui-même humain.»