Martin Bucer, le réformateur oecuménique
du XVIe siècle. Son idée fixe: faire converger les différents courants du
protestantisme naissant.
Quand on pense à la Réforme, les noms de Luther, de Calvin ou de Zwingli viennent immédiatement à l’esprit. Mais bien d’autres acteurs y ont aussi joué un rôle de premier plan. Martin Bucer est l’un d’eux. Cet Alsacien de condition modeste, né en 1491, entre à 15 ans chez les dominicains. Il s’y forme en théologie. Mais sa rencontre avec Luther, en 1518, marque une étape décisive pour lui: influencé jusque-là par l’humanisme, il se rallie désormais aux idées du réformateur.
Délié de ses voeux monastiques, puis marié à une ancienne moniale, Bucer arrive au printemps 1523 à Strasbourg, célèbre alors pour son rayonnement religieux et culturel. L’Eglise protestante en Alsace a d’ailleurs fêté toute cette année le demi-millénaire de son action. Car il a grandement contribué à l’implantation des «idées nouvelles» dans la ville. C’est lui qui organise, dès 1529, les communautés de la ville pour les conformer aux conceptions réformatrices.
Mais Bucer était un homme de dialogue. Il entendait apporter la paix dans les conflits qui déchiraient les Eglises au XVIe siècle entre les réformateurs eux-mêmes. «Les lettres de Bucer sont souvent de petits traités théologiques. Le réformateur alsacien essaye d’y convaincre tant Luther que Zwingli, aux idées antagonistes, de s’entendre par exemple sur la compréhension de la sainte cène», explique l’historien strasbourgeois Matthieu Arnold. Ses efforts pour l’unité aboutissent en 1536 à un accord, la concorde de Wittemberg.
Par la suite, Bucer cherche même à se rapprocher des penseurs catholiques, et à trouver un accord avec les anabaptistes, pourtant persécutés dans d’autres villes passées à la Réforme. Des démarches qui lui valent d’être traité de «fanatique de l’unité», notamment par Calvin.
Persévérant coûte que coûte dans cet engagement jusqu’à la fin de sa vie, Bucer refuse pourtant la réintroduction à Strasbourg du culte catholique, voulue par l’empereur. Cela lui vaut d’être congédié par les autorités de la ville en 1549. Il se réfugie alors en Angleterre, où il écrit et enseigne jusqu’à sa mort, deux ans plus tard. Durant la seconde moitié du XVIe siècle, la voie médiane prônée par Bucer devra céder du terrain aux positions plus affirmées: le temps n’était pas aux solutions de compromis. Mais le réformateur de Strasbourg est redécouvert depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Son engagement «oecuménique» avant l’heure inspirera les dialogues interconfessionnels au XXe siècle.
«Ecclésioles dans l’Eglise»
Animé d’un sens profond de la communauté, Bucer cherche à réaliser à Strasbourg, dès 1538, une proposition inédite. Il crée, au sein des grandes paroisses de la ville, de petites communautés «militantes», plus conformes aux modèles de l’Eglise ancienne. Ces «ecclésioles dans l’Eglise» doivent rassembler les fidèles «plus avancés dans la vie chrétienne» pour stimuler la foi de la multitude des baptisés. Bucer vise ainsi à accélérer le processus de la Réforme en contribuant, de l’intérieur des communautés, à la vivification de la vie chrétienne et à l’unité entre tous les chrétiens. Mais cette tentative ecclésiologique ne dure qu’une décennie: elle prend fin au moment où Bucer quitte la capitale alsacienne.