Théologies queers: lire la Bible sans carcans
«La théologie queer a pour ambition de repenser la vision théologique hétéronormative, binaire et parfois hégémonique de la sexualité et du genre afn de favoriser l’inclusion de chacun·e», explique Adrian Stiefel, responsable de l’Antenne, le Bureau cantonal de l’EPG pour les questions LGBTQI+.
Une défnition s’impose pour amorcer cette soirée de novembre, mi-conférence mi-groupe de partage, dans les locaux de la Maison de paroisse de Saint-Gervais.
Une vingtaine de personnes ont pris place en cercle et une dizaine assistent à la rencontre en ligne. L’atmosphère est intime, chaleureuse, les participant·es sont intéressé·es. Coauteure de L’accueil radical: Ressources pour une Eglise inclusive, Joan Charras-Sancho se passionne pour la théologie queer durant son temps libre. Ou plutôt les théologies queers, car elles sont multiples: gay, lesbienne, bi, transgenre, etc.
D’emblée, la chercheuse souligne l’importance de démystifier les croyances autour de ce mouvement. Historiquement, les théologies queers s’appuient sur les théologies contextuelles, comme la théologie de la libération – ce courant de pensée chrétienne né dans les années 1960 en Amérique latine et qui tend à redonner espoir et dignité aux exclu·es en les libérant de leurs conditions de vie. En voulant s’affranchir des modèles de lecture de la Bible blancs et centrés sur l’homme, les théologies noire et féministe ont aussi joué un rôle. Enfn, la pensée déconstructiviste de philosophes français comme Jacques Derrida ou Michel Foucault a contribué à la remise en question de la théologie dominante et du sexisme en théologie.
Questions taboue
«C’est sur cette base que les théologies queers se sont mises à aborder les questions taboues, celles qui touchent au corps, aux fluides, à la sexualité et au pouvoir», souligne Joan Charras-Sancho. «Elles s’autorisent à interpréter la Bible selon leurs propres perspectives. Longtemps considérées comme excentriques, elles ont progressivement obtenu une légitimité et une véritable reconnaissance académique.»
Mais une pensée encore plus bouleversante a vu le jour: c’est la théologie indécente de Marcella Althaus-Reid, qui ose les questions impertinentes: «Quelle théologie s’intéresse aux sous-vêtements des vendeuses de rue? Aucune. A titre de comparaison, rares sont les théologies qui ne s’intéressent pas à la virginité de Marie.» Et pourtant, nous interpelle la théologienne, pourquoi une chose (les sous-vêtements des vendeuses de rue) semble-t-elle indécente et l’autre (l’hymen de Marie) fait-elle l’objet de réflexions théologiques sérieuses?
Paru en 2000, son livre Indecent Theology a ouvert de nouveaux espaces de réflexion, qui nomment de façon très directe et crue certaines de nos réalités, relève Joan Charras-Sancho. Une approche peu conventionnelle qui interroge l’auditoire.
Certain·es sont séduit·es et témoignent de leur gratitude de pouvoir ouvrir les carcans et entendre une diversité de voix permettant de mieux comprendre les textes bibliques. Un participant avoue sa perplexité. Il n’a pas tout compris. Un deuxième exprime des craintes face à cette pensée radicale, tandis qu’un autre trouve ces idées inspirantes, stimulantes et poétiques. Des réflexions qui réjouissent Joan Charras-Sancho. «Une théologie robuste et pertinente pour notre époque déplace, interroge et suscite le débat.»