Un contrat avec les bêtes?
L’antispécisme naît dans les années 1970 avec Peter Singer. Il considère, en bref, qu’humains et animaux sont égaux moralement, parce que ce sont des êtres sensibles. De son point de vue, c’est moins la mise à mort que les souffrances infligées aux bêtes qui posent problème.
«(…) Avec le développement de l’agriculture intensive et de l’élevage industriel, Peter Singer considère inimaginable d’envisager une production alimentaire respectueuse de l’animal», explique Gérald Hess. «Il reconnaît la souffrance animale comme critère moral déterminant. Il ne prône pas l’adoption d’un régime végane par principe, mais seulement en raison des conditions actuelles d’élevage. Il ne refuse pas non plus, par principe, le fait de tuer les animaux. Il réfléchit à la souffrance et met en cause un régime économique où la rentabilité est le critère dominant. Ce qui est incompatible avec le respect de l’animal.»
L’éthicien et philosophe de l’environnement note l’impasse de mouvements militants extrêmes. «Certains courants prônant la libération des animaux d’élevage nient toute une culture de domestication. Si, aujourd’hui, on livrait les animaux d’élevage à eux-mêmes, ils seraient incapables de survivre et mourraient», rappelle Gérald Hess. «Il ne faut pas oublier l’histoire: les animaux ont besoin de nous, et nous avons besoin d’eux.» Des philosophes contemporains comme les Français Catherine et Raphaël Larrère essayent de comprendre cette dépendance. «Il s’agit de penser la relation particulière que nous avons développée avec les animaux. Une façon de le faire est d’envisager cette relation sous la forme d’un contrat moral entre eux et nous: les animaux nous offrent quelque chose en échange de nos soins», pointe Gérald Hess. «Toutefois, une telle conception dissimule le caractère asymétrique de cette relation.»