La pandémie, une pression de plus pour le Soudan du Sud
S’alimenter, pour les populations rurales du Soudan du Sud, est devenu une gageure. Bien que parcouru par de nombreux cours d’eau, le pays subit l’alternance de sécheresses toujours plus intenses, et de précipitations violentes, conséquences du changement climatique, comme beaucoup de régions d’Afrique subsaharienne. S’ajoutent à cela des conflits latents. Le pays est indépendant depuis 2011, mais toutes les questions de frontières n’ont pas été réglées et «beaucoup de tensions interethniques subsistent: les groupes militaires qui n’ont pas pris part aux discussions de paix attaquent régulièrement la population ci-vile», décrit Valentin Prélaz, responsable des programmes de l’Entraide protestante suisse (EPER) pour le Soudan du Sud. Et comme une grande partie de l’Afrique de l’Est, le sud-est du pays a été ravagé par les criquets pèlerins.
La pandémie a représenté une pression de plus dans ce contexte tendu. Le Soudan du Sud et l’Ouganda, pays voisin, ont appliqué des politiques de confine-ment et de restriction de mobilité assez strictes. Or, le Soudan du Sud dépend largement de son voisin pour son approvisionnement. De plus, le choc économique qu’ont provoqué l’arrêt des activités et la fermeture des frontières risque de paupériser sévèrement la population rurale. «Le principal risque est que les petits paysans utilisent leurs réserves de semences pour s’alimenter, vendent leur matériel et leurs animaux pour survivre», craint Valentin Prélaz. Beaucoup d’ONG ont mis leurs programmes en arrêt face à la situation. Pour-tant, leur aide est indispensable.
Hausse de la menace alimentaire
«60% de la population du pays se trouvait déjà en insécurité alimentaire avant le virus. Tous nos partenaires sur place nous ont donc expliqué que les perspectives étaient très mauvaises et qu’il était indispensable de soutenir les paysans locaux en matière d’approvisionnement et de semences.» Effectivement, les projections de l’integrated food security phase classification (IPC), outil de mesure de la menace alimentaire initialement développé par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), prévoient que d’ici cet été une grande majorité du pays bascule dans la crise alimentaire (6,48 millions de personnes, contre 5,2 millions en janvier). Sur cette échelle, l’étape suivante est l’urgence, et la dernière, la famine.
Maintien des projets
L’ONG protestante, basée en Ouganda, mais aussi enregistrée et active au Soudan du Sud, a donc maintenu et adapté ses actions dans l’Etat de Yei River. Comme beaucoup d’organisations de développement, elle a vu ses projets à long terme se transformer en aides directes cruciales. «En plus des informations sur l’hygiène en raison du virus, nous fournissons des semences, des outils, et assurons la vulgarisation agricole... De plus, nous soutenons des émissions radio prônant la paix et la réconciliation.» Au total, près de 80 000 personnes sont aidées par l’EPER dans la région, pour un montant annuel d’un million de francs. Des besoins qui, en 2020, risquent de croître fortement.
Infos et dons:
www.pin.fo/epersoudan
Insécurité alimentaire
L’insécurité alimentaire est l’impossibilité d’accéder à une nourriture suffisante, saine et nutritive, pour une croissance normale et une vie active et saine. En 2019, plus de 135 millions de personnes dans 55 pays et territoires faisaient face à une situation d’insécurité alimentaire grave et aiguë, et plus de la moitié vivaient en Afrique, selon le Réseau mondial contre les crises alimentaires qui a averti fin avril que la situation «pourrait continuer de s’aggraver en 2020».
Source: La Croix/RMCA