Une rupture avec le quotidien
Notre culture valorise les vacances, d’où vient ce besoin?
TRISTAN LOLOUM Beaucoup d’auteurs qui ont travaillé cette question notent une parenté «structurale» entre les vacances et les fêtes saisonnières. Les multiples coutumes liées à l’agriculture ou à la religion qui marquent l’année par des fêtes ou des temps de repos ont un caractère structurant. Sans ces moments de respiration collective avec un quotidien profane, on ne verrait littéralement pas le temps passer, pris dans un quotidien qui se répète. On lie souvent vacances et voyages.
Sont-ils indissociables?
Dans les faits, il y a une majorité de personnes qui ne partent pas en voyage, durant leurs vacances, ou qui profitent de ce temps pour retrouver leur famille. Il s’agit d’ailleurs là un peu d’une zone grise pour laquelle nous avons peu de chiffres dans les statistiques officielles, qui ont tendance à mesurer le tourisme à l’aune des arrivées internationales. Il est vrai qu’avec l’industrie touristique, les vacances sont fortement associées à l’avion dans l’imaginaire collectif. Mais on peut très bien visiter sa ville en touriste, ou avec le regard du voyageur. Le voyage est une question d’état d’esprit, c’est un rapport au monde. Certains auteurs tirent des parallèles entre la structure du voyage et celle du rite d’initiation. Ainsi, dans les deux cas, la première étape du rituel est la séparation du quotidien, le départ. La deuxième étape est la confrontation (métaphorique ou non) avec une altérité: une divinité autre, une culture autre, un espace autre, des états limites... Enfin, la troisième étape est le retour à la vie normale, mais l’on en revient transformé. On rentre de vacances physiquement exténué, mais psychologiquement renouvelé, voire grandi.
Les rituels vacanciers (ou festifs) sont essentiels pour vivre sainement et se construire. Le voyage a donc un rôle collectif ?
Oui, il a d’ailleurs un rôle essentiel pour les familles qui vivent éloignées de leurs proches, pour se retrouver et souder le noyau familial. C’est un peu l’idée de partir loin pour se retrouver entre soi. Le voyage n’est que prétexte, c’est surtout la rupture avec le quotidien qui fait que ces moments sont spéciaux. Pour certains individus ayant des origines étrangères, le voyage sert aussi à consolider des identités constituées à cheval entre plusieurs pays, plusieurs cultures. On parle alors de tourisme diasporique. Lointaines ou non, les vacances sont un terreau de l’identité et du vivre-ensemble.
L'art de stimuler l'imaginaire
MARKETING Le bouche-à-oreille reste la meilleure publicité. Le marketing et les médias jouent néanmoins un rôle considérable dans la promotion des destinations touristiques. Déjà à la Belle Epoque, affiches, peintures, photos, cartes postales, récits ou guides mettent en valeur les atouts naturels de la Suisse. Ce matériel répond aux principes de base du marketing moderne: attirer l’attention, éveiller l’intérêt, susciter le désir et provoquer l’achat. «Le message qui doit être transmis est extrêmement important. Il faut sans cesse stimuler l’imaginaire du visiteur en répondant, avec nos atouts, à ses demandes», explique Vincent Matthey, coordinateur Montagnes et Congrès à Tourisme neuchâtelois.
Celui-ci ajoute: «Avant l’apparition d’internet, la clientèle n’avait accès qu’à une communication institutionnelle. Les agences de voyages étaient alors privilégiées avec des offres clé en main. Désormais, les voyageurs sont plus autonomes, ils personnalisent leur programme en surfant sur la Toile». Vincent Matthey relève que l’événementiel a aussi un impact très clair sur le public. «Tout ce qui permet de faire parler d’une région en images – Jeux olympiques, Tour de France cycliste, etc. – nourrit l’imaginaire des gens.» Un vecteur de communication aux retombées exceptionnelles.