La barre est mise trop haute
«Est-ce que nos attentes quant à notre couple sont réalistes?», interroge la pasteure et conseillère conjugale à Lausanne Claudia Bezençon. «On veut que le couple soit un lieu d’épanouissement où l’on puisse être aimé sans condition dans une forme de nostalgie du paradis perdu.», poursuit-elle. «Notre société ne laisse plus de place à l’échec. On ne sait plus le gérer. Il faut réussir sa vie professionnelle, ses loisirs, son couple… On a tellement d’exigences et d’attentes!»
«On a beaucoup de domaines, où l’on aimerait que l’autre soit parfait!», abonde Nicole Rochat, pasteure, thérapeute de couple et sexologue à Neuchâtel. «Quand on n’admire plus son ou sa partenaire, c’est le signe que ça commence à mal aller. Quand les étoiles que l’on avait dans les yeux en le ou la regardant s’éteignent, on devient plus critique, on se laisse agacer par toutes sortes de choses.», regrette-t-elle. «On attend de l’autre qu’il ou elle nous rende heureux. Alors que ce n’est pas son rôle.»
«On a aujourd’hui des attentes du couple au niveau émotionnel», confirme Ida Koppen, médiatrice et adjointe à la direction de l’Office protestant de consultations conjugales et familiales à Genève (OPCCF). «On a en revanche moins d’attentes logistiques ou pratiques quant à sa relation qu’il y a encore quelques dizaines d’années», complète la médiatrice. «Quand il y a un manque émotionnel, on déchante très vite…»
Apprécier le pain noir
Face à cela, Claudia Bezençon, invite à redécouvrir la spiritualité du pain noir du théologien allemand Fulbert Steffensky. «Dans les différents domaines de notre vie, nous devons apprendre à être reconnaissants pour ce qui est à moitié réussi! Redécouvrir une certaine forme d’humilité!» Comme pasteure, elle ajoute encore: «Le message de Pâques, central du christianisme, est fondé sur l’échec de Vendredi-Saint!»
«Même avec les couples non croyants, il m’arrive de poser la question de la foi en un être supérieur», relate Nicole Rochat. «Si l’on trouve en Dieu quelqu’un qui nous valorise, qui nous apporte des certitudes quant au sens de notre vie, il est plus facile de ne pas vouloir changer l’autre.»
Amoureux et après…
Durer en tant que couple reste un défi: «Tomber amoureux, on en est toutes et tous capables, mais l’humain est ainsi fait qu’après les pics d’hormones, leur taux va forcément baisser. Il faut alors essayer de ne pas laisser les frustrations du quotidien masquer les qualités qu’on lui a vues lorsqu’on l’a choisi. Il faut savoir se dire: ‹cette personne n’a pas toutes les qualités, mais elle a les qualités qu’il faut.›» La pasteure insiste toutefois. «Il faut rester vigilant. Accepter de relativiser, cela ne veut pas dire tout accepter. Il y a des choses qui sont inacceptables!»
Un lieu devenu unique
«A l’heure actuelle, l’on attend davantage du couple qu’il y a un siècle», constate également Benoît Reverdin, directeur de l’OPCCF. «On met tellement d’espoir dans le couple que ces espoirs risquent d’être déçus.» Pour le thérapeute de couple et de famille, la survalorisation de sa vie de couple est à chercher dans la dévalorisation d’autres valeurs. «Le couple est souvent devenu le lieu d’appartenance principal. Avant, les individus avaient plus souvent d’autres appartenances telles que paroisses, famille ou même leur travail à l’époque où l’emploi représentait souvent un lieu de fidélité sur toute une carrière. Tout cela permettait de relativiser les difficultés rencontrées en couple.»