Une théologie inclusive ne suffit pas. Les LGBTI veulent être accueillis
«Les Eglises sont appelées à être les ferments de la société, mais la réalité montre que souvent ce sont plutôt des freins», avance le théologien Pierre Bühler, mardi 5 septembre au temple des Valangines à Neuchâtel. Il était l'invité de la première soirée publique de la nouvelle Association LGBTI et alliés Arc-en-ciel. En automne 2016, le groupe chrétien Arc-en-ciel avait vu le jour et les responsables ont eu le désir d’en faire une association pour pouvoir organiser des événements publics promouvant l’inclusivité au sens large. Après un culte œcuménique, Pierre Bühler a proposé une réflexion sur la façon dont les Eglises se situent face à la question LGBTI et leurs réactions variées.
Pour condamner l’homosexualité, les détracteurs citent systématiquement deux versets du Lévitique (18:22 et 20:13) et un passage de l’épître aux Romains (1:26-27). «Ces textes sont les seules où il est explicitement question du rapport entre deux hommes, ce qui signifie que c’est un sujet très marginal par rapport à toute la Bible», souligne le théologien. Dans sa déconstruction des arguments bibliques utilisés pour condamner l’homosexualité, Pierre Bühler est également revenu sur le «soyez féconds» de la Genèse (1:27-28) souvent compris comme une présentation de l’hétérosexualité comme seule alternative valable. L’altérité femme-homme est comprise comme l’altérité entre Dieu et les hommes. «Pourquoi l’hétérosexualité doit-elle devenir une hétéronormativité alors que la réalité biologique comprend une ambiguïté sexuelle?», s’interroge Pierre Bühler. Il cite un autre passage biblique: «Il n’y a plus ni juif, ni grec (…) il n’y a plus l’homme et la femme», (Galate 3:28). Pierre Bühler y voit «la possibilité d’une Eglise inclusive avec une place pour des orientations sexuelles diverses».
Souffrance des LGBTI en recherche spirituelle
Le même soir à Plainpalais, l’Antenne LGBTI du Lab. — le laboratoire de l’Eglise protestante de Genève où de jeunes adultes expérimentent de nouvelles formes ecclésiales — se réunissait pour parler d’accueil en Eglise. Loin des abstractions théologiques, une invitée témoignait de son parcours spirituel émaillé de souffrance. «Quand je suis partie de Suisse, il n’y avait pas de partenariat pour les couples de même sexe. Je ne me sentais pas 100% citoyenne de ce pays. Je n’avais pas non plus le sentiment d’être accueillie au sein de l’Eglise et d’y avoir ma place en tant que personne LGBTI».
A l’étranger, elle découvre une Eglise ouverte sur les questions LGBTI et proposant le mariage aux couples de même sexe. Une communauté qu’elle finira tout de même par quitter. «Même si l’Eglise a changé, les gens qui la fréquentent n’ont pas changé», explique-t-elle. «Quand j’étais plus jeune, j’étais un peu militante, mais je n’ai plus le goût de gueuler. Si je ne me sens pas acceptée, je pars», souffle-t-elle.
«Dans ma nouvelle Eglise, je me suis sentie accueillie, sans qu’on ait besoin de dire “les gays sont les bienvenus”», témoigne-t-elle. La difficulté pour les communautés religieuses ne réside, en effet, pas tellement dans la nécessité de développer une théologie inclusive, mais bien dans la capacité à accueillir avec sincérité. «Est-ce que dans l’Eglise on accueille réellement les LGBTI sans réserve comme une célébration de la diversité?», interroge un participant.
L’Association neuchâteloise Arc-en-ciel
En automne 2016, les pasteures Alice Duport et Christine Cand-Barbezat ainsi que la conseillère paroissiale Cécile Guinand de l’Eglise réformée évangélique du Canton de Neuchâtel (EREN) ont créé le groupe LGBTI chrétien Arc-en-ciel qui se réunit le 3 de chaque mois depuis une année. «Nous avons souhaité faire grandir ce groupe qui se veut discret en une Association qui permet d’avoir des manifestations publiques», explique la conseillère synodale Alice Duport. Dans la ligne de C+H, cette nouvelle association a organisé son premier événement public mardi 5 septembre au temple des Valangines à Neuchâtel. Une trentaine de personnes ont participé à un culte inclusif présidé par le prêtre catholique chrétien Nassouh Toutoungi et Alice Duport. Après une réflexion du théologien Pierre Bühler sur l’inclusivité des personnes LGBTI dans les Eglises, un temps de discussion et un apéritif ont permis à tous les participants d’échanger et de faire connaissance. «Nous souhaitons promouvoir l’inclusivité avec l’espoir qu’elle devienne une évidence», ajoute Alice Duport.
L’Antenne LGBTI du Lab.
Fondé en 2015, Le Lab. est un projet pionnier porté par l’Eglise protestante de Genève qui permet aux jeunes adultes de repenser l’Eglise autrement. Sur son site, ce laboratoire se présente comme «une communauté ouverte, inclusive et progressiste où – quelle que soit ta religion, tes convictions, tes valeurs, ta croyance ou ton athéisme, ton orientation affective, ton genre ou ton origine – tu seras accueilli-e tel-le que tu es.» Le Lab. est formé de plusieurs groupes thématiques, dont l’Antenne LGBTI, qui «propose aux jeunes d’aujourd’hui un cadre dans lequel ils peuvent vivre leur spiritualité dans l’acceptation inconditionnelle de leur identité, qu’ils soient gays, lesbiennes ou trans* et quelle que soit leur appartenance religieuse», souligne Adrian Stiefel, chargé de ministère et responsable de l’Antenne. Chaque mois, entre vingt et trente jeunes se réunissent pour discuter de thématiques qui reflètent des questions et sujets touchant la communauté LGBTI, cela tout en amenant au dialogue et à une réflexion d’ordre personnel et spirituel. Discussion sur le coming out ou sur la bénédiction des couples gay sont au programme de cette année, tout comme une soirée qui abordera le thème de la sexualité.