Là où vous mettez vos richesses…
Hier matin, j’ai décidé d’aller faire mes courses en ville. Après une demi-heure perdue dans les rues encombrées de véhicules, il m’a fallu descendre au 4e sous-sol du parking souterrain pour trouver une place. Le centre commercial était bondé. J’ai dû jouer des coudes pour accéder aux légumes, et choisir entre du bio venant de loin, du local pas bio, du hors-sol et du pleine-terre. Au rayon frais, j’ai eu du mal à trouver un simple yogourt nature, perdu entre les demi-écrémés, lactose free et autre bifidus. Et je ne vous parle même pas du rayon de nourriture pour animaux, entre la pâtée « aussi belle que bonne » et « celle que votre chat achèterait ».
Au milieu de ces montagnes de nourriture et de biens de consommation, agressé visuellement et auditivement par des annonces publicitaires, bousculé par des clients avides de remplir leur caddie, je me suis arrêté, pris de tournis. J’ai regardé autour de moi et me suis dit : « mais dans quel monde vivons-nous ? ». Et puis je me suis rappelé que nous étions en période de carême, ces quarante jours avant Pâques où, dans la tradition chrétienne, nous sommes invités à nous détacher des biens matériels, à méditer et à prier. En voyant le monde se presser dans ce temple de la consommation, j’ai dû me rendre à l’évidence : le carême n’est plus beaucoup suivi de nos jours !
Pourtant je sais que pour certaines et certains, cette période garde encore une signification particulière, dans laquelle on peut par exemple se passer de certains aliments, se retrouver en paroisse autour d’une soupe ou encore vivre en groupe l’expérience enrichissante d’un jeûne de sept jours.
Dans notre société de surabondance, de surproduction et de surconsommation, où les inégalités entre les plus riches et les plus pauvres prennent des dimensions abyssales, le carême garde pourtant tout son sens. Il nous invite à prendre un temps d’arrêt pour réfléchir à notre rapport aux biens matériels, à notre impact sur le monde et sur notre environnement, un temps pour s’ouvrir à un peu plus de spiritualité et de solidarité. Et peut-être pour méditer cette phrase de l’Évangile : « Là où vous mettez vos richesses, c’est là aussi que vous mettez votre cœur ».